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La réalité des sentiments
avec Pierre Badel, Jacques Toja, Michel  Etcheverry, Simon Eine, Jean-Noël  Sissia, Béatrice Agenin
Montparnasse - Comédie Française  2009 /  15  € - 98.25 ffr.
Durée film 104 mn.
Classification : Tous publics

Année de production, Pays : 1976, France

Version : 1 DVD 9/Zone 2
Format vidéo : 4/3, PAL
Format image : 1.33 (couleurs)
Format audio : Français (Dolby Digital 2.0)
Sous-titres : Aucun

Bonus : Aucun

L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.

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Cette célèbre pièce de Marivaux est ingénieuse par le dispositif qu'elle met en place.

«Dorante et Silvia ont été promis l'un à l'autre par leurs parents. Le jour de leur première rencontre, désirant étudier le comportement de l'autre, ils troquent leurs vêtements contre ceux de leurs domestiques. Le coup de foudre est immédiat mais Dorante et Silvia, se méprenant sur la véritable condition de l'autre, doivent lutter contre leur éducation et leurs préjugés pour s’avouer leur amour. Travestissement parallèle, mais indépendant, d’un jeune homme et d’une jeune fille en valet et soubrette, échange de rôle entre maître et valet, entre maîtresse et suivante, double substitution résultant d’une quadruple travestissement».

Le procédé est connu : Les Grenouilles d’Aristophane, par exemple, exposent l'échange de rôle entre un maître et son valet. Il s'agit ici de vérifier avec certitude que l'on aime réellement la personne dont on est amoureux. Mais n'aimons-nous pas à travers un filtre qui nous influencerait et nous tromperait ? Comment en être sûr ? Les personnages de Marivaux croient qu'ils vont pouvoir vérifier leur amour en feignant de sortir de leur relation.

On pense souvent à tort que si Silvia et Dorante tombent amoureux l'un de l'autre (de même pour Lisette et Bourguignon), malgré leur déguisement, parce qu'ils reconnaissent, inconsciemment évidemment, leur éducation et leur classe sociale. Pourtant, Marivaux bat en brèche une telle idée. Ce qu'il tient à montrer, c'est non seulement la force du sentiment amoureux contre justement le préjugé de classe. Sans quoi la pièce n'aurait aucun intérêt. Si ce préjugé de classe existe bel et bien, le réel amour doit le transcender. D'où le procédé de Marivaux qui, loin d'illusionner ses personnages, leur fait ressentir un sentiment amoureux à l'apparition de l'autre, malgré leur déguisement. Si le préjugé de classe était si prépondérant (du moins chez ses personnages), ce serait l'inverse qui aurait lieu.

Dans l'acte III, scène VIII, Marivaux fait dire à ses personnages :

Silvia : «Quoi, vous m’épouserez malgré ce que vous êtes, malgré la colère d’un père, malgré votre fortune ?
Dorante : «Mon père me pardonnera dès qu’il vous aura vue, ma fortune nous suffit à tous deux, et le mérite vaut bien la naissance : ne disputons point, car je ne changerai jamais.
Silvia : Il ne changera jamais ! Savez-vous bien que vous me charmez, Dorante ?
Dorante : Ne gênez donc plus votre tendresse, et laissez-là répondre…
Silvia : Enfin, j’en suis venue à bout ; vous… vous ne changerez jamais ?
Dotrante : Non, ma chère Lisette.
Silvia : Que d’amour !»
.

Ce "Que d’amour ! " exprime à quel point Silvia a raison d'être heureuse. Dorante l'aime pour ce qu'elle est, intégralement, quoiqu'il la croie d'une condition sociale inférieure. Silvia peut être comblée de bonheur, car elle vient d'obtenir la certitude de l’amour de Dorante. Souvent, par masochisme et vanité, c'est l'adage "Suis-moi, je te fuis, fuis-moi je te suis !" prévaut. Pour une fois, c'est l'inverse, ici. Les amants s'aiment donc réellement. Il ne s'agit évidemment pas d'un happy end factice ici mais de la réalité des sentiments qui peuvent s'exprimer sans "truquage", sans artifice.

Dans une réalisation de Pierre Badel (1976), la mise en scène de Jean-Paul Roussillon est absolument splendide. Servie par des comédiens au mieux de leur forme, on passe un moment passionnant.

On le doit, il faut le dire, à l'époustouflante comédienne Béatrice Agenin (qui jouait le rôle de Célimène dans Le Misanthrope) dans le rôle de Silvia. Ici, elle se surpasse. Tendre, survoltée, agacée et agaçante, elle est sans arrêt juste. Sa diction est précise, ses emportements, magnifiques. À chaque mot qu'elle prononce, nous sommes plongés dans ses états d'âme. Michel Etcheverry (Orgon), Dominique Constanza (Lisette), Simon Eine (Dorante) sont aussi excellents. La comédie française au meilleur de sa forme !


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 23/01/2009 )
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