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Un air de famille
avec Yasujirô Ozu, Chishû Ryû, Setsuko Hara, Chieko Higashiyama
Carlotta Films 2007 /  24.99  € - 163.68 ffr.
Durée film 136 mn.
Classification : Tous publics

Sortie cinéma, Pays : 1953, Japon
Titre original : Tôkyô monogatari

Version : 1 DVD 9/Zone 2
Format vidéo : 4/3
Format image : 1.37 (noir et blanc)
Format audio : Japonais (Mono 1.0)
Sous-titres : Français

Bonus :
Récit de Tôkyô : illustration d'un texte de Kiju Yoshida, tiré de son essai Ozu ou l'anti-cinéma (11 mn)
Voyage dans le cinéma : retour sur les lieux de tournage de Voyage à Tôkyô (15 mn)
Jeux de rôles : une réflexion sur les domaines particuliers assignés aux personnages dans Voyage à Tôkyô avec Paul Jobin, Kazuhiko Yatabe et Charles Tesson (27 mn)
Bande annonce d'époque

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Un vieux couple quitte son petit village pour visiter durant quelques semaines leurs différents enfants partis vivre à Tôkyô. Hélas, l’accueil est d’emblée mitigé : leurs petits-enfants les évitent soigneusement et voient d’un mauvais œil le désagrément apporté dans leur vie par l’arrivée des importuns. Les enfants, quant à eux, donnent le change en orchestrant de manière immuable le rituel bien huilé des relations familiales. Mais le beau vernis doré de la courtoisie va se craqueler subrepticement…

Ozu, réalisateur prolifique (54 films en 60 ans d’existence) propose un film étonnamment visionnaire – sorti en 1953, rappelons-le - sur le poids du troisième âge dans une société moderne prise dans la spirale vertigineuse du travail, des enfants et de la vie citadine. Le contraste est d’autant plus marqué que la forme, un peu datée, se détache de ce fond tout à fait actuel.

En effet, de ce cinéma carte-postale d’où émane une nostalgie tranquille avec pour toile de fond un Tôkyô intemporel (le son, qui n’a pas été remasterisé, appuie le charme suranné de l’image), naît progressivement un malaise largement relayé par les scènes d’intérieur en huis clos. La réunion de famille tourne rapidement à une recherche de placement des vieux parents, fardeau inattendu. Tout l’art d’Ozu est de dépeindre avec subtilité la dérive progressive qui s’instaure : à la prévenance et l’affabilité initiales succède un rejet à peine dissimulé. La négligence des enfants (qui accordent plus de temps à leurs clients et relations professionnelles qu’à leurs vieux), ainsi que leurs considérations triviales (le prix du séjour des parents, etc.) tiennent plus du constat que de la dénonciation. Ozu ne juge pas ses personnages, mais se contente d’exposer des faits.

Souvent cyniques et ambivalents dans leurs relations, les enfants se décident à envoyer le vieux couple en cure thermale pour enfin avoir la paix. L’anecdote n’est d’ailleurs pas dénuée d’humour, avec une scène particulièrement décalée où les vénérables parents échouent dans un lieu qui tient plus de l’auberge de jeunesse que du centre de thalassothérapie. C’est avec une grande dignité qu’ils supportent toute la nuit durant les cris et la musique des jeunes fêtards qu’ils ont pour voisins. Car c’est ici que réside toute la force du récit : le vieux couple n’est ni pénible, ni revendicateur, ni même intrusif dans la vie de leurs enfants. Attachants, les deux vieux n’ont rien fait qui puisse justifier le rejet de leurs enfants. Leur air bonhomme et leur compréhension envers leurs fils fait de Voyage à Tôkyô une histoire cruelle dont l’universalité prête à réfléchir.

Les non-dits sont nombreux chez ce vieux couple empreint d’une retenue pleine de fierté, et seul l’alcool permet de faire sauter les verrous sociaux pour enfin verbaliser la déception que suscitent tous ces ingrats dans leur vieux cœurs de parents négligés. Bringuebalés d’une maison à l’autre, ils trouveront paradoxalement un réconfort chez leur bru, veuve de leur fils cadet, celle qui leur est la plus étrangère de tous. Ozu démontre avec brio combien il est difficile parfois de s’occuper de nos proches, comme si une nécessaire distance devait exister entre les êtres pour permettre une interrelation de qualité. Hélas, seule la mort est à même de réveiller cet instinct filial endormi, mais alors « tout devient inutile ».

Le séisme générationnel que met en scène Ozu n’est que l’expression de la dichotomie nippone, entre ruralité et urbanisme, tradition et modernité. Cette allégorie du poids du passé sur la vie quotidienne des Japonais traduit la rupture désordonnée qui s’est opérée entre un folklore séculaire et un progrès fulgurant au sein de la société japonaise. Car, contrairement à ce que semble penser la jeunesse de ce pays, il est souvent difficile de se défaire d’un héritage culturel aussi fort, si pesant et dépassé soit-il. Cet ancrage traditionnel est l’instrument indispensable qui mène à la connaissance de soi, et ignorer ses origines revient à se nier soi-même.


Océane Brunet
( Mis en ligne le 23/02/2007 )
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