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Films  ->  Fantastique / Science-Fiction  
Mystification transorientale
avec Kiyoshi Kurosawa, Koji Yakusho, Jun Fubuki
Arte Vidéo 2005 /  25  € - 163.75 ffr.
Durée film 97 mn.
Classification : Tous publics

Sortie Cinéma, Pays : 2000, Japon
Titre original : kôrei

Version : DVD 9/Zone 2
Format vidéo : 16/9 compatible 4/3
Format image : 1.85
Format audio : Japonais (Dolby digital 2.0)
Sous-titres : Français

Bonus :
Présentation du film par Kiyoshi Kurosawa (1 mn 35 s)
Kiyoshi Kurosawa par Kiyoshi Kurosawa (29 mn)
Bandes annonces de Jellyfish et de Kaïro disponibles chez Arte Vidéo

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Le titre de cette adaptation dans le Japon actuel du roman de l’auteur britannique Mark Mc Shane, Seance on a wet afternoon (1964), fait allusion à la pratique du spiritisme à laquelle se livre la médium Junko Sato. Outre ses dons d’extralucide, cette dernière mène une existence banale dans une maison isolée située à la périphérie de la ville en compagnie de son mari Kôji (Kôji Yakusho) (1). Pour les besoins de son métier de bruiteur dans l’audiovisuel, celui-ci part sur le mont Fuji enregistrer le son des feuilles secouées par le vent. Au même moment, et dans cette même forêt, une fillette kidnappée échappe à son ravisseur et vient trouver refuge dans sa caisse de matériel de prise de sons. A son retour, Kôji range le flight-case, prémonition du futur cercueil de la petite victime, dans sa voiture sans s’apercevoir de la présence de l’enfant. Dés lors, le couple se laisse entraîner dans une histoire de manipulation qu’il pense contrôler mais qui lui sera fatale.

Kiyoshi Kurosawa observe avec distance les circonstances qui conduisent un couple à commettre l’irréparable et l’immixtion de plus en plus prégnante du surnaturel dans son quotidien. Dès la première scène, le Doppelgänger est l’objet d’une conversation entre un étudiant en psychologie et son directeur de thèse. Ce phénomène de double fantomatique, auquel Kiyoshi Kurosawa consacrera le film Doppelgänger en 2003, se manifeste à Kôji, lequel ne peut lutter contre cette confrontation effrayante ni contre les apparitions de l’esprit accusateur de la fillette qui le hante, sa femme et lui. « La particularité des fantômes japonais, explique le cinéaste, c’est qu’ils ne font rien. Ils sont inoffensifs…On ne peut pas leur résister ou leur échapper. La peur, alors est celle qu’on porte en soi. » Ces phénomènes paranormaux existent-ils donc vraiment ou sont-ils le fruit de leur imagination sous le poids de la culpabilité ?

Le cinéaste joue sans cesse avec cette ambiguïté comme il joue de la coexistence entre la vie quotidienne la plus triviale et le surnaturel, qu’il suggère plus qu’il ne montre. A l’instar de ses autres films, Cure (1997), Charisma (1999) ou Kaïro (2001), dans lequel des fantômes via Internet incitent les mortels à rejoindre le territoire des ombres, Kiyoshi Kurosawa, tel Jacques Tourneur, crée une atmosphère fantastique avec une économie d’effets spéciaux. Dans une grande salle quasi-déserte et silencieuse, Junko sent la présence d’une personne décédée à qui a appartenu l’objet qu’elle tient serré dans ses mains. L’angoisse naît de la lumière des néons des plafonniers, des ombres de personnes passant derrière la porte vitrée au fond de la pièce, d’une musique anxiogène, d’un hors-champ lourd de menace et de longs plans filmés de l’extrémité de la salle par un lent mouvement de caméra, vision subjective d’une entité invisible. La forêt est également filmée comme le lieu de peurs irrationnelles et de fantasmes (telle la forêt ensorceleuse de Charisma), où le fantastique se tapit derrière chaque arbre et dont Kôji rapporte dans le monde des humains l’objet de futurs tourments. Le couple semble également désincarné étrangement indifférent au monde qui l’entoure. Ces deux personnages, repliés sur eux-mêmes enfermés dans une existence sans perceptives, sont souvent cadrés, dans les scènes d’intérieur, entre les chambranles des fenêtres et des portes ou via des miroirs reflétant leurs images.

Cependant, Kiyoshi Kurosawa refuse de se poser la question du genre même s’il a été catalogué "auteur fantastique" depuis la sortie de son premier film en France Cure. Bien qu’il soit adepte des films d’horreur de série B depuis son enfance, le cinéaste ne se cantonne pas à un genre et aime, confie-t-il dans l’interview du supplément, « […] transgresser les conventions du genre pour les briser. » Les films de fantômes ont connu un regain d’intérêt au Japon dans les années 1990, notamment avec Ring (2001) et Dark Water (2003) de Hideo Nakata. « Séance, commente Kiyoshi Kurosawa, reprend une tradition commencée avec le Kabuki. Au cinéma, elle a été reprise sous le nom de kaidan mono qui a duré dans les années 60. La génération actuelle tend à les imiter dans la représentation des fantômes, ces femmes lugubres avec des cheveux noirs défaits. » Le cinéaste reprend les codes des films d’horreur avec l’incontournable nuit d’orage et puise dans l’image traditionnelle du fantôme tout en la détournant. Les revenants ont certes des cheveux longs et noirs, mais ils sont habillés de couleurs vives, en rouge ou en vert, qui contrastent avec les tonalités habituellement plutôt sobres dévolues aux esprits. Kiyoshi Kurosawa soigne également les effets sonores pour donner une atmosphère surnaturelle, en utilisant des sons retravaillés, et la force émotionnelle de la musique pour renforcer ou désamorcer l’angoisse (cf. l’étrange air de cornemuse qui résonne lorsque Kôji croise son double).

Le scénario de Séance, que le réalisateur a co-écrit avec son épouse, aborde différentes thématiques dont l’illusion de la famille traditionnelle idéale, sujet aussi traité dans Jellyfish et License to live. Traumatismes, non-dits, frustrations sociales et ambitions de reconnaissance rongent les relations du couple qui se délitent peu à peu. Le cinéaste donne une vision névrosée de la société japonaise à travers des phénomènes paranormaux car la seule observation de la banalité du quotidien ne lui suffit pas pour exprimer le malaise social et la solitude du monde contemporain. L’identité est faite de valeurs et de préjugés inculqués de l’extérieur, et, précise Kiyoshi Kurosawa, tous mes films racontent l’histoire de personnages qui, pour une raison ou une autre, perdent ce système de pensée et de jugement prêt à l’emploi et se retrouvent au bord du vide.

Chantre d’une nouvelle génération de cinéastes nippons en marge du système des grands studios, Kiyoshi Kurosawa se définit comme le « doyen des jeunes cinéastes japonais ». Ce réalisateur très prolifique, d’une cadence de deux à trois films par an, alterne le bon et le moins bon dans la production de films que l’on dit mineurs (polar, fantastique ou porno soft). Séance demeure, malgré parfois une mise en scène une peu bâclée, un film digne d’intérêt possédant un charme indéniable confirmant le style de son auteur.

Les suppléments du DVD présentent deux entretiens de Kiyoshi Kurosawa. A un court commentaire du film succède une passionnante interview sous forme d’abécédaire où le cinéaste livre une réflexion pertinente sur son travail et sur ses œuvres. A noter l’effet de doublement sous forme de clin d’œil des deux intervenants.

(1) Kôji Yakusho a joué dans de nombreux films de Kiyoshi Kurosawa : Cure (1997), License to live (1998), Charisma (1999), Kaïro (2001) et Doppelgänger (2003).


Corinne Garnier
( Mis en ligne le 14/04/2006 )
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