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Films  ->  Fantastique / Science-Fiction  
La Bête humaine
avec Ernest B. Schoedsack, Fay Wray, Robert Armstrong, Bruce Cabot
Montparnasse - RKO 2007 /  14.99  € - 98.18 ffr.
Durée film 95 mn.
Classification : Tous publics

Sortie Cinéma, Pays : 1933, USA
Titre original : King Kong

Version : 1 DVD 9/Zone 2
Format vidéo : 4/3
Format image : 1.33 (noir et blanc)
Format audio : Anglais, Français (Dolby digital)
Sous-titres : Français

Bonus :
Présentation du film par Serge Bromberg (2 mn 30s)

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Merian C. Cooper, producteur fasciné par le mode de vie des gorilles, soumet le synopsis d’un grand singe semant la terreur à New York au cinéaste Ernest B. Schoedsack qui vient d’achever le tournage d’un chef-d’œuvre du film d’horreur, Les Chasses du comte Zaroff (1932). Ayant préalablement co-réalisé des films d’aventures exotiques (Grass (1926), Chang (1927) et la première version de 1929 des Quatres plumes blanches), les deux acolytes s’investissent dans ce projet très coûteux pour l’époque (650.000 $), long (un an de tournage) et ambitieux. Récente compagnie hollywoodienne créée dans les années 1920, la RKO souhaite ainsi concurrencer la Universal qui s’est spécialisée dans la production de films d’épouvante. Pour participer à l’écriture du scénario, Merian C. Cooper va jusqu’à engager Edgar Wallace, célèbre auteur anglais de romans policiers, dont la mort avant le tournage laisse place à une polémique autour de l’importance de sa collaboration. Quoi qu’il en soit, le phénoménal succès de King Kong, qui impressionne encore de nos jours par la virtuosité technique de ses effets spéciaux et le réalisme épique de ses décors, contribue à installer définitivement le prestige de la RKO (1).

Dans le climat très perturbé des années 1930, entre la montée des dictatures fascistes en Europe et la menace de l’Union soviétique tombée sous le joug stalinien, les créatures monstrueuses deviennent très prisées par le public américain. L’effet cathartique du genre fantastique canalise ainsi les peurs et angoisses de chacun face à un monde de plus en plus dangereux, instable et précaire. Depuis le krach boursier de 1929, les Etats-Unis s’enfoncent dans une grave récession économique qu’essaie de contrer la politique interventionniste du « New Deal » mise en place en 1933 par le nouveau président, Franklin Delano Roosevelt. Dans cette première version de King Kong datant de cette même année, le cinéaste Carl Denham (Robert Armstrong) engage une jeune inconnue, errant sans le sou dans les rues, pour interpréter le rôle principal de son prochain film d’aventure situé sur la mystérieuse île du Crâne près de Sumatra. Selon une légende, en ce lieu vit un monstre dénommé Kong craint et vénéré par les indigènes. Cet équivalent indonésien du Yéti, qu’aucun Blanc n’a jamais vu, est-il une chimère ou une réalité ? Par désir de gloire, Carl Denham entraîne l’équipage du bateau et son actrice, Ann Darrow (Fay Wray), dans son projet fou mais le second du commandant, John Driscoll (Bruce Cabot), craint pour la sécurité de la jeune femme dont il est épris. La suite des évènements lui donne raison. Elle est enlevée par les îliens et offerte en sacrifice au gigantesque singe qui s’enfonce dans la jungle en l’emportant. L’équipage et le cinéaste se lancent alors à leur poursuite. John Driscoll la retrouve et la sauve des pattes du monstre qu’ils parviennent à capturer vivant. De retour à New York, Carl Denham exhibe son trophée à Broadway le présentant, devant un public apeuré et médusé, comme « La huitième merveille du monde ». Cependant, Kong parvient à briser ses entraves et parcourt la ville à la recherche d’Ann semant destruction et panique sur son passage.

« Quand Merian C. Cooper m’annonça que je devais avoir pour partenaire l’acteur le plus grand et le plus sombre que Hollywood ait jamais connu, se souvient Fay Wray, je pensais qu’il faisait allusion à Cary Grant… Puis il commença à m’expliquer le projet de King Kong. » La comédienne, qui a déjà joué dans les Quatre plumes blanches des mêmes auteurs, ne se doutait pas à l’époque qu’elle participait à la naissance d’un véritable mythe dans un rôle qui allait quelque peu éclipser la suite de sa carrière. Cette reprise de l’éternelle légende de la « Belle et la Bête », est annoncée par la citation d’un prétendu proverbe arabe concluant le générique de début et prophétisant la funeste destinée du monstre : « La bête regarda la belle. Et son geste meurtrier resta suspendu. Et depuis ce jour, la bête est comme morte. » Un présage repris par Carl Denham lorsqu’il dévoile l’ébauche de son film en regardant Ann jouer avec un petit singe : « La bête est insensible à tout mais quand ? elle voit la belle, elle en devient folle. »

Si Fay Wray réfute que son personnage puisse éprouver la moindre attirance pour Kong, elle conçoit cependant que « rien que la manière extraordinaire dont l’animal considère la créature humaine fait de lui un être pensant, sensible et presque beau. » L’actrice fait ici allusion à la fameuse scène où le monstre retire les vêtements de l’héroïne qu’il tient dans sa main. Dans une version désérotisée, Kong déshabille Ann évanouie par pure curiosité contrairement à celle non-censurée et chargée d’une sensualité trouble - loin tout de même de l’adultère commis avec un gorille du sulfureux Max mon amour (1986) de Nagisa Oshima - où la caméra cadre en plongée la femme se débattant terrorisée adoptant le point de vue du singe qui lui enlève ses habits. Parmi la vague de films fantastiques où les monstres ne sont pas ceux que l’on croit, de Frankenstein (1931) de James Whale à Freaks (1932) de Tod Browning, les auteurs ont joué sur l’anthropomorphisme en prêtant des réactions humaines et des sentiments amoureux à l’animal.

Beaucoup de commentaires ont disserté sur la pureté de la nature face à la cupidité des hommes, la corruption de la civilisation industrielle et l’hégémonisme américain. L’ampleur du mythe a dépassé Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack, qui se caricaturent sous les traits du cinéaste Carl Denham, car même s’ils ont voulu insuffler de l’humanité dans les réactions du singe, ils n’avaient a priori que l’ambition de réaliser un film de divertissement prétexte à une débauche d’effets spéciaux. Le folklore des populations indigènes, notamment la cérémonie de sacrifice avec des hommes habillés en gorilles dansant aux sons des tambours, est conforme à la vision qu’avait Hollywood des civilisations dites « primitives » véhiculée à la même époque (2) par la série des Tarzan avec Johnny Weissmuller. A l’opposé, la scène la plus célèbre de l’histoire du cinéma met en valeur le symbole du progrès technique et de la puissance américaine. Au sommet du plus haut gratte-ciel, l’Empire State Building - comme 43 ans plus tard les tours du World Trade Center seront utilisées dans le remake -, Kong repousse l’assaut d’une escadrille d’avions semblables à de gros insectes volants. De telles scènes ont frappé durablement les imaginaires. Hergé s'est inspiré du succès du film pour créer la bête au caractère « homiesque » de L'Ile noire (1938) et deux remakes cinématographiques ont été tournés : l’histoire modernisée du King Kong de John Guillermin (The Legend Reborn, 1976) avec Jessica Lange et la version de 2005, très fidèle à la celle d’origine, réalisée par Peter Jackson avec Naomi Watts. Le mythe s’est aussi transformé en de multiples avatars plus ou moins réussis et parodiques dont le fameux King Kong contre Godzilla (Kingu Kongu tai Gojira, 1962) d'Ishirô Honda, le pendant féminin Queen Kong (1976) de Frank Agrama ou les insipides adaptations karaté de série B hong-kongaises.

De nombreuses images de King Kong restent gravées dans la mémoire collective grâce en grande partie aux effets spéciaux confiés à Willis J. O’Brien (3). Ce maître incontesté en la matière avait préalablement conçu ceux de l’adaptation par Harry O. Hoyt du Monde perdu d’Arthur Conan Doyle (The Lost World, 1925) où une expédition scientifique découvre un plateau isolé d'Amérique du Sud encore peuplé d’animaux préhistoriques. Sur l’île du Crâne, humains et créatures fantastiques cohabitent. Un stégosaure attaque l’expédition et King Kong livre des combats titanesques contre un tyrannosaure puis un ptérodactyle. La technique la plus utilisée pour les plans où apparaissent les acteurs et les animaux fantastiques consiste à filmer les deux éléments d’une même scène en deux étapes. Dans un premier temps, une partie du négatif est masquée par un cache tandis que l’autre enregistre la scène, puis la partie non impressionnée, après le rembobinage de la pellicule, est utilisée pour enregistrer les autres éléments de la scène. Pour ce style de trucage, la superposition de deux pellicules pour obtenir un seul film est également employée. Les modèles réduits tridimensionnels sont photographiés image par image. Kong, censé atteindre approximativement 15 mètres de hauteur, est en fait un pantin articulé de 45 cm dont le corps en caoutchouc recouvert de peaux de lapins dissimule une armature en acier articulée par un système de joints mécaniques. Pour les gros plans, certaines parties du corps de la bête ont été fabriquées grandeur nature comme l’énorme tête animée par des moteurs à air comprimé recouverte de 40 peaux d’ours et actionnée par six hommes placés à l’intérieur.

Grâce à ces ingénieux dispositifs, les effets spéciaux parviennent à donner l’illusion du réel et à recréer une fluidité dans les gestes et les attitudes du monstre. Les yeux qui bougent et se ferment ainsi que les sourcils qui s’abaissent et se relèvent rendent le visage du primate particulièrement expressif. Un même souci du détail caractérise les décors conçus à l’aide de trois ou quatre plaques de verres peintes et placées à des distances variables devant l’objectif ce qui permet d’intercaler entre elles des toiles miniaturisées et de donner un effet de perspective. Willis O’Brien utilise également la récente technique de projection de fond avec pour la première fois un écran de cellulosique, qui valu un oscar à son inventeur Sidney Saunders, mais aussi la projection en miniature qui projette les prises de vues des acteurs en action sur un petit écran. Différentes ressources utilisant peinture, miniaturisation et animation sont ainsi exploitées pour parvenir à un résultat à la fois onirique et réaliste, à l’instar du travail réalisé à partir des années cinquante par Ray Harryhausen (4), dont le charme et la poésie ont défié le temps afin de rendre indémodable ce véritable modèle du genre.

(1) En 1933, Merian C. Cooper remplace David O. Selznick, parti à la MGM, au poste de directeur de la production de la RKO.
(2) Le premier film de la série, Tarzan l’homme singe de W.S. Van Dyke, date de 1932.
(3) Willis O’brien assura également les effets spéciaux des films de Ernest B. Schoedsack mettant en scène des grands anthropoïdes : Le Fils de Kong (1933) et Monsieur Joe (Mighty Joe Young, 1949) dont le DVD est disponible dans la même collection aux éditions Montparnasse.
(4) Ray Harryhausen fit ses débuts auprès de Willis O’brien qui le chargea de l'animation du gorille sur le tournage de Monsieur Joe.


Corinne Garnier
( Mis en ligne le 13/04/2007 )
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