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Un tout petit monde
avec Jirí Menzel, János Bán, Rudolf Hrusínský
Malavida 2008 / 24 € - 157.2 ffr.
Durée film 95 mn.
Classification : Tous publics |
Sortie cinéma, Pays : 1985, Tchécoslovaquie
Titre original : Vesnicko má stredisková
Version : 1 DVD 9/Zone 2
Format vidéo : 16/9 compatible 4/3 (couleurs)
Format audio : Tchèque (Dolby Digital 2.0 mono)
Sous-titres : Français
Bonus :
- Analyse de Romain Le Vern (12 mn)
Livret avec le texte critique de Jean-Louis Manceau
Prix spécial du Jury du Xème Festival de Montréal, Grand Prix du XXXIème Festival de Valladolid et Premier prix du XVIIème Festival de Prades.
L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est lauteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.
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Malavida sort deux films de Jiri Menzel, le chef-duvre Trains étroitement surveillés (1966) d'après un roman de Bohumil Hrabal, et Mon Cher petit village (1985). Ce dernier reste tout à fait dans la veine du cinéma tchèque et dans l'optique ironique de Jiri Menzel, auteur aussi dAlouettes, le fil à la patte (1990) et récemment de Moi qui ai servi le roi d'Angleterre (2006). Jiří Menzel (né 1938 à Prague) est aussi metteur en scène de théâtre, acteur et écrivain. Le cinéaste se rendit célèbre dans les années 60 en devenant l'un des représentants de la Nouvelle Vague tchèque avec, entre autres, Milos Forman.
Qu'est-ce qui peut caractériser ce cinéaste ? Comme pour Trains étroitement surveillés, Menzel décrit dans Mon cher petit village un petit monde avec beaucoup de sympathie et de mordant, sans jamais tomber dans la facilité. On retrouve le côté doux-amer qui fait tant le charme de ses films. Nous sommes ici dans la tranquillité dun petit village tchèque des années 80. Tous les matins, Pavek (Marián Labuda), un brave type qui conduit le camion de la coopérative, part au travail, accompagné par son assistant, Otik (János Bán), le simple desprit. Pavek sort de chez lui, fait quelques pas, siffle, et Otik sort et rejoint son collègue ; tous les deux, alors, séloignent. Sauf que Pavek, fatigué des gaffes incessantes de son coéquipier depuis quatre/cinq ans, aimerait s'en débarrasser ; mais il ny arrive pas, dautant moins quOtik est apprécié du petit village et a de lamitié envers Pavek.
Il y a une double facette dans les films de Jiri Menzel, l'une qui critique sans férocité mais lucidement les travers de la société à travers celle du petit village (sans oublier la vie assez conformiste de la capitale, Prague), et la seconde qui joue sur un côté burlesque, en ayant beaucoup de sympathie pour ses personnages qu'il ne peut jamais ouvertement vilipender (sous peine de tomber dans le piège de juger avant de comprendre). C'est ce ton si particulier à Jiri Menzel (mais aussi à de nombreux artistes d'Europe centrale comme Milos Forman ou Milan Kundera), comme en équilibre entre le tragique et lironie, qui a enchanté les cinéphiles des années soixante. Cette petite musique intime et moqueuse, douce-amère comme on se plaisait à la décrire, qui comprenait de l'intérieur nos faiblesses sans sy complaire, tout en sachant en rire, apporta un air frais dans lEurope dalors. Jiri Menzel aurait été le cinéaste de prédilection pour adapter un roman comme Clochermerle Gabriel Chevallier ou un roman de Marcel Aymé.
Pendant plus d'une heure et demi, nous suivons donc, le sourire aux lèvres, ce tout petit monde avec ses mesquineries et ses modestes joies. Bien sûr, Otik est le personnage central, homme décalé et benêt, en dehors du monde et de ses logiques financières et rentables. Il nous permet, par sa présence désarmante, de mesurer l'humanité des personnages qui l'entourent, notamment Pavek. L'acteur est remarquable dans sa manière de jouer les idiots heureux sans niaiserie. On pense évidemment, de près ou de loin, au brave soldat Chveik, avec ici encore cette façon quont les artistes tchèques de traiter, avec une incroyable constante, de lidiotie, de la bêtise et de limmaturité consubstantielles à lhumanité. Il y a là évidemment toute une sagesse et toute une philosophie, soulignées sans en avoir lair.
Il y a aussi le médecin du village (Rudolf Hrusinsky, l'acteur inoubliable de L'Incinérateur de cadavresde Juraj Herz), qui est un homme bucolique, rêveur et même poète. Il sillonne les petites routes de la région avec sa voiture, en récitant un poème dArthur Rimbaud (Le Dormeur du Val) et... en conduisant en zigzag. Résultat : il narrête pas davoir des accidents de voiture sans gravité. Ce médecin est un peu le sage du village, un homme de science mais aussi celui qui connaît tous les secrets, cherchant avant tout à admirer la nature et à profiter du calme.
Il y a aussi lartiste peintre Ryba (joué par Zdenek Sverák, le scénariste du film) qui séduit de jeunes femmes, à la grande rage du lycéen qui ne parvient à rien dans ce domaine. On retrouve d'autres personnages incontournables comme Stefan (Július Satinský) qui travaille à la coopérative comme sa maîtresse, Turková (Libuse Safránková) qui trompe copieusement son mari jaloux, Turek (Petr Cepek). Lun des sommets du film est la scène où, au bord dune rivière, Turek plonge dans leau pour battre son record en apnée
pendant que sa femme se laisse tripoter par Stefan, cest-à-dire trente secondes à chaque fois...
Humour décalé, situations farfelues, le tout filmé simplement, Mon Cher petit village est un film délicieux. Même s'il n'atteint pas la qualité et la profondeur de Trains étroitement surveillés, reste une perle rare.
Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 12/12/2008 )
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