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Films  ->  Comédie dramatique  
Etat de nature
avec Roman Polanski, Jodie Foster, Christoph Waltz, Kate Winslet, John C. Reilly
Wild Side Video 2012 /  19.99  € - 130.93 ffr.
Durée film 76 mn.
Classification : Tous publics

Sortie Cinéma, Pays : France, Allemagne, Pologne, Espagne, 2011
Sortie DVD : 11 Avril 2012

Version : 1 DVD-9, zone 2
Format vidéo : PAL, Format 2.35
Format image : Couleurs, 16/9 compatible 4/3
Format audio : Anglais 5.1 DTS, Français 5.1, Anglais 2.0, Audiovision (pour malvoyants) 2.0
Sous-titres : Français, Français pour sourds et malentendants


Bonus :
- Copie digitale offerte
- Entretien avec Jodie Foster, Kate Winslet, Christoph Waltz et John C. Reilly
- Bande annonce

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Le film est une adaptation des Dieux du carnage de Yasmina Reza, une pièce de théâtre créée en 2008 au Théâtre Antoine à Paris. Roman Polanski transpose le propos du film dans le quartier de Brooklyn, à New York, chez des ''bobos'' américains.

L'intrigue est simple et reprend un canevas connu, certains diront usés. Après qu'un garçon a cassé deux incisives et défiguré à coups de bâton un de ses camarades, les parents des deux adolescents se réussissent pour discuter. Le film nous enferme dès lors dans l'appartement des parents de la victime. En peu de temps, les quatre personnes, qui montraient bonne figure, vont finir par s’étriper.

Du côté de la victime, la mère Penelope Longstreet (Jodie Foster), femme rigide, obsédée par la morale et l’humanitarisme, et son mari nounours, Michael (John C. Reilly), représentant en objets ménagers, frustré par la vie ; de l’autre, Nancy Cowan (Kate Winslet), femme inconséquente, et son conjoint Alan (Christoph Waltz), avocat cynique et imbu de lui-même, sans cesse suspendu à son portable. La direction d’acteur est époustouflante. Non seulement on ne doute pas une seconde du jeu des comédiens, mais le cinéaste sait retraduire le moindre détail de chaque personnalité, mimiques, surnoms, intonations de voix, gloussements, respiration, non-dits, etc.

L'ouverture du film a lieu en extérieur, filmant de loin l'incident entre les adolescents. Car, au fond, il n’y avait pas lieu de se réunir pour une telle bagarre entre gamins. Une punition et une bonne fessée suffisaient. Ici, non, l’affaire tourne au tribunal du Grand Sérieux, les parents se réunissent pour statuer sur la violence d’un gamin. Situation contemporaine et politiquement correcte.

Roman Polanski a bien du talent pour tenir le rythme, la fluidité et la montée dramatique de cet incident grotesque. Sa mise est scène est d’un grand raffinement au niveau du cadrage, du décor, de la lumière (Pawel Edelman), jouant du grand angle, de la profondeur de champ, voire du plan séquence quand celui-ci prend sens. C’est un grand bonheur de voir au cinéma une mise en scène réelle et talentueuse, chose que l’on ne voit plus guère aujourd’hui. Celle-ci n’est pas démonstrative mais laisse toute la place au propos et aux comédiens.

Sur ce sujet classique (des personnes enfermées ensemble vont finir par se haïr) et l’apparente comédie qui se profile dès le début, sourd une interrogation existentielle sur le mal, le ''Dieu du Carnage'' : malgré la façade polie et souriante, les rapports humains finissent toujours par le conflit, la rivalité, voire l’affrontement sanglant. C’est l’attitude première. Cette expression de ''dieu du carnage'' signifie que l’être humain, quoi qu’il fasse, dissimule derrière ses intentions nobles des stratégies de prédation, des zones d’ombre, une ambiguïté trouble et dérangeante ; une représentation de lui qui n’est pas réellement ce qu’il est. Personne ne peut se déclarer sans tache. Une vision plus réaliste ou plus lucide que pessimiste ; le cinéaste prolonge la réflexion en posant la question de la dimension de l’échec, à rebours du mythe du progrès qui fait croire que l’être humain ne cesse d’aller vers le mieux, et son époque avec lui. Ici, nous sommes encore à l’époque de Cro-Magnon, avec un smoking... c’est tout.

Finesse du trait, distance délicate, ici, les personnages sont tous plus ou moins détestables, par leur prétention, leur vanité, leur façon de se moquer de l’autre alors que chacun possède exactement les mêmes défauts (Nancy se moque de la stupéfaction de son mari quand elle jette son portable dans l’eau mais devient hystérique quand Penelope jette son sac à main en l’air). «Vanité des vanités, tout est vanité», disait l’Ecclésiaste. Certains diront qu’il n’y a là rien d’original mais Roman Polanski se moque justement de l’originalité recherchée pour l’originalité. Seul le propos pertinent et existentiel l’intéresse car il est fondateur dans la compréhension de l’être humain. Quel thème serait original dans un roman ou un film ? L’amour ? La jalousie ? La haine ? Si l’on se fixe sur l’originalité, on tombe inévitablement dans le formalisme, qui n’est que l’autre mot d’un déni de sujet.

Le cinéaste n’a jamais été un avant-gardiste. C’est en revenant aux sources, par le biais d'un fait mineur et grotesque, plus révélateur que les grandes situations historiques ou les grandes tragédies, que Roman Polanski fait œuvre de sagacité et de lucidité en mettant l’accent sur le concret. Derrière cette banalité de surface se cache bien autre chose, trouble et d’ambigu. Le procédé est caractéristique, entre autres, des cinéastes d’Europe Centrale.

Au fur et à mesure, Roman Polanski met en place ses personnages qui jouent de leur statut, les ''bobos'' de Brooklyn, quartier refuge des intellectuels et des professions libérales américaines, ayant eu des enfants sur le tard pour cause de libération sexuelle, s’entourant de livres d’art, d'artefacts du dernier chic (les tulipes à 20 dollars le bouquet), écrivant sur le Darfour, donnant les leçons de morale à la planète entière, faisant attention à leur ligne, mais ne possédant pas un gramme d’humour, tout sourire en façade, devenant venimeux en coulisses.

Bien sûr, le propos dépasse le cas des ''bobos'' de Brooklyn et l’on retrouverait des attitudes similaires ailleurs, chez les riches autant que chez les pauvres. Mais chez les ''bobos'', le trait prend plus d’ampleur car ils se croient déjà «ouverts d’esprit», forcément bien pensant, humanitaristes en diable, droits-de-l’hommistes, jamais pris en défaut, meilleurs que les autres. Ici, Roman Polanski règle leur sort avec une intense jubilation à travers cette réflexion sur la nature humaine, jamais cynique, toujours ironique. On peut le rapprocher de Stanley Kubrick dans cette lecture de l’être humain déguisant ses pulsions et ses intérêts derrière une façade de circonstances. L’affiche du film résume bien le propos du cinéaste.

C’est pour éviter le cynisme justement que le cinéaste orchestre, dans une réalisation feutrée et un traitement comique, tous les glissements qui vont mener au règlement de compte. Il s’agit ici, par le biais de la comédie, de prendre la juste distance pour critiquer et ne jamais sombrer dans le propos amer ou fielleux.

La pièce originale aurait pu verser vers une conclusion plus absurde, voire plus étrangement inquiétante. Mais étant donné l’angle de vue adopté, cela ne pouvait guère aller, sur l'écran, vers des développements hasardeux. C’est le seul reproche que l’on puisse faire à ce «petit théâtre du monde» mis en image. On dira volontiers qu’il ne s’agit pas du meilleur film de Polanski, après The Ghost Writer, mais ce n’est pas un petit film innocent, et encore moins une comédie sans importance. Carnage est simplement d’une justesse humaine remarquable.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 06/04/2012 )
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