| Katrina Kalda Arithmétique des dieux Gallimard - Blanche 2013 / 16.90 € - 110.7 ffr. / 213 pages ISBN : 978-2-07-013869-2 FORMAT : 14,0 cm × 20,5 cm Imprimer
Second roman de Katrina Kalda (née en 1980), après Un roman estonien, Arithmétique des dieux se passe entre la France et l'Estonie, entre la Seconde Guerre mondiale et 2010. La narratrice raconte son histoire, celle dune petite fille dont les parents musiciens ne sentendaient pas, et dont la grand-mère paternelle, Eda, menait toute la famille, toutes générations confondues, dune main de fer, alors que lEstonie survivait tant bien que mal sous loccupation soviétique.
Une histoire de femmes avec une série de beaux portraits : Eda, la grand-mère, qui avait réussi à faire carrière et en faisait profiter tout son entourage ; Asta, lamie denfance de la grand-mère, qui prend toute son importance comme témoin privilégié en fin de roman ; la mère de la narratrice, Kersti, pianiste condamnée à un rôle secondaire auprès de son premier violon de mari, mais qui prend en charge sa vie et celle de sa fille en choisissant en 1989 lexil en France, avec sa part de désillusion et despoir ; la narratrice, Kadri, qui se souvient et porte sur elle comme sur les autres un regard sans complaisance ; et la mystérieuse figure de Lisbeth/Liisi, déportée par les Russes pendant la guerre, qui écrit à Eda et la remercie de veiller sur son fils. Quest devenu ce fils ?...
Il y aussi des hommes qui passent : Ilmar Raud le mari dEda, Oskar son frère, peintre à la vie silencieuse, Jaan Tam le mari de Liisi déporté comme elle mais dans un autre lieu, Juhan le père de la narratrice et son frère Peter, qui passent leurs loisirs à se saouler consciencieusement dans la cuisine. Mais cest par les femmes que lhistoire tient, ce sont elles qui sont au cur de léquilibre du monde. Chacune accomplira son destin.
Deux récits en parallèle : lenfance de la narratrice et cette correspondance à une voix, un peu énigmatique, pour laquelle Asta donnera une clé, qui nest sans doute pas suffisante. Deux arbres généalogiques à la première page : celui de la famille Raud, la famille de la narratrice avec ses quatre générations, et celui de la famille Tam : trois personnes en tout, les deux parents et le fils Johannes.
Katrina Valda pose par touches personnages et parcours de vie, des zones obscures séclairent, mais jamais tout à fait, comme dans la «vraie» vie
La narratrice, Kadri, sappuie sur ses souvenirs propres et sur la grosse enveloppe que sa grand-mère lui a donnée et qui contient, entre autres, la correspondance de Lisbeth/Liisi : pourquoi ce don, à elle ?
En arrière-plan, 60 ans dhistoire (parfaitement méconnue en France) de lEstonie, une histoire dramatique où chacun cherche à survivre, à saccommoder
Une histoire semée de morts, qui ont ou non - des droits sur les vivants. La première phrase donne le ton : «5 janvier 2010. Je me suis réveillée parmi des membres denfant. De petites jambes et de petits bras tranchés qui flottaient dans le lac aux reflets rouille. La lune blanche et ronde nageait à la surface comme une balle quil fallait repêcher là où, à quelques pas de la rive, on ne voit déjà plus le fond»...
En dépit de ce début terrible, cauchemar de la narratrice, lhistoire est animée par une vitalité optimiste ; la résilience ici nest pas un vain mot
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 17/04/2013 ) Imprimer | | |