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Littérature -> Essais littéraires & histoire de la littérature |
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Réflexions autour de trois auteurs | | | Jacques Julliard L'Argent, Dieu et le Diable - Péguy, Bernanos, Claudel face au monde moderne Flammarion 2008 / 19 € - 124.45 ffr. / 229 pages ISBN : 978-2-08-121790-4 FORMAT : 13,5cm x 22cm
L'auteur du compte rendu : Essayiste, romancier, Jean-Laurent Glémin est titulaire dun troisième cycle en littérature française. Ayant travaillé notamment sur les sulfureux Maurice Sachs et Henry de Montherlant, il se consacre aujourdhui à lécriture de carnets et de romans. Il na pas publié entre autres Fou dHélène, LImprésent, Fleur rouge, Chair Obscure, Continuer le silence. Imprimer
Jacques Julliard, éditorialiste au Nouvel Observateur et intellectuel, réfléchit également sur la littérature comme ici en tentant de rendre un hommage sincère à trois écrivains français du début du siècle dernier : Péguy, Bernanos et Claudel.
Si Julliard a bien lu ces trois auteurs, son livre est quelque peu brouillon pour une raison simple : il y a peu de cohérence. Ce nest ni une étude littéraire, ni une réflexion dordre générale, mais plutôt une lecture personnelle de ces trois écrivains, chacun ayant droit à ses chapitres ou à ses préfaces réunies pour loccasion en début de livre. La question que se pose Julliard est de savoir comment ces trois-là ont collaboré au monde moderne tout en le rejetant de manière souvent radicale. La valeur, lhonneur, lindépendance, sont des qualités essentielles qui ont porté ces trois intellectuels durant leur carrière pourtant bien différentes les unes des autres. Mais la religion catholique, lantisémitisme, lAffaire Dreyfus, lindustrialisation, les guerres, largent ou la droite catholique vont les mener dans des directions parfois opposées bien que moralement proches. Claudel semble différer de manière assez profonde de lesprit des deux autres. Bernanos était du côté de la droite catholique plutôt traditionnelle, Péguy était un socialiste chrétien extrêmement indépendant alors que Claudel était lambassadeur que lon connaît.
Si laspect biographique est mené parallèlement à lanalyse littéraire, on ne ressort pas très avancé des positions respectives de chacun des trois auteurs. Si Claudel lemporte sur ses deux confrères dans la préférence de Julliard, il nest pas inutile de les relire tous les trois pour comprendre ce quest la vision dun écrivain moderne pris dans lengrenage des guerres religieuses, idéologiques et économiques de son époque. A ce propos, une phrase de Julliard résume la pensée de Bernanos, montrant du coup lesprit des grands littérateurs indépendants et libres, dont il était avec Péguy : «Lennemi le plus implacable et le plus destructeur de toute vie de lesprit, cest le capitalisme industriel. Pourquoi ? Parce quil détruit toute trace de vie spirituelle avec le consentement et la complicité des intéressés. La tyrannie, les dictatures modernes, le totalitarisme lui-même ne sont jamais parvenus à tuer lesprit, mais au contraire à lexacerber» (pp.56-57). Il nest pas inintéressant de reprendre les pages de ces auteurs écrites pour la plupart il y a presque un siècle pour voir comment ces intellectuels avaient déjà pensé les crises que lon connaît actuellement et la perversité de notre système de pensée. Largent, Dieu et le Diable ont ainsi peut-être contribué à la naissance de ces trois écrivains là, à moins que ce ne soit eux qui les aient inscrits dans leurs domaines de réflexions.
Julliard a écrit un livre où lon peut piocher quelques bonnes remarques sur lesprit davant guerre. Mais le journaliste historien lemporte souvent sur lintellectuel et lon se perd parfois dans des considérations générales qui sortent du sujet. Plutôt quune étude sur la littérature catholique de gauche comme de droite, ce livre est une réflexion sur trois grands auteurs qui ont su se démarquer demblée de la modernité dun point de vue éthique, voyant dans cette dernière les menaces économiques et morales quelle infligerait à la civilisation occidentale. Et comme beaucoup desprits pertinents, ils ne se sont pas trompés, contrairement à certains de leurs contemporains...
Jean-Laurent Glémin ( Mis en ligne le 20/10/2008 ) Imprimer
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