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Nicolas, Saison 2
Entretien avec Nicolas Rey - (Un léger passage à vide, J'ai lu, Mai 2011)


- Nicolas Rey, Un léger passage à vide, J'ai lu, Mai 2011, 157 p., 4,80 €, ISBN : 978-2-290-02227-6


Première publication : Le Diable Vauvert, Janvier 2010, 191p., 17 €, ISBN : 978-2-84626-220-0

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Nicolas Rey, dont le premier roman sorti en 1998, 13 minutes, lui valut d'être propulsé sur la scène médiatique, et le deuxième, Mémoire courte, d'être auréolé en 2000 du Prix de Flore, nous avait rendus familiers ses personnages de séducteurs noceurs, accros à l'alcool et aux drogues, dans lesquels on pouvait aisément deviner des doubles à peine déformés de l'auteur. Quatre années se sont écoulées depuis la sortie de son cinquième roman, Vallauris Plage, quatre années au cours desquelles l'écrivain s'était fait plus discret, malgré quelques apparitions de chroniqueur à la radio et la télévision. Dans Un léger passage à vide, qui sort ces jours-ci aux éditions J'ai Lu (après sa première publication aux éditions du Diable Vauvert en 2010), l'auteur nous narre l'essentiel de ce qui, malgré son titre euphémique, ressemble fort à une véritable descente aux enfers : en une trentaine de petites chroniques incisives, souvent drôles, parfois cruelles, mais également avec une tendresse qu'on lui connaissait moins, Nicolas Rey nous raconte, sans masque, comment, brisé par l'alcool et les drogues, et devenu à la fois incapable d'assumer sa toute neuve paternité et de sauver son couple, il entreprit une cure de désintoxication.

En novembre 2009, alors que je dois l'interviewer pour la sortie de son nouveau livre, je me demande qui - le Nicolas Rey flamboyant aperçu dans les émissions littéraires, ou l'homme brisé dont je viens de lire le témoignage éprouvant -, je vais rencontrer. Quand j'arrive, en courant car en retard, à notre rendez-vous, Nicolas Rey fait les cent pas devant le café, portable collé à l'oreille, la tignasse poivre et sel tombant en désordre au-dessus de deux écharpes de laine juxtaposées. L'espace de deux secondes il semble furieux ; de toute évidence il est débordé, et puis brusquement il se radoucit et sourit : mon retard nous rapproche, il m'avoue qu'il n'est comme moi jamais à l'heure. Lorsque, me précédant dans le café, il commande un «double déca avec du miel», je comprends que l'état grippal est chez lui structurel. Mais nous nous asseyons et peu à peu Nicolas Rey se détend et devient sérieux. Et avant que j'aie pu sortir de mon sac les questions que j'avais anxieusement préparées, il se met à parler, prolixe. De sa nouvelle vie de père séparé, de son fils, de son difficile retour à l'abstinence depuis qu'il a arrêté définitivement l'alcool et les drogues, de sa complicité avec Pascale Clark, et, accessoirement, de son nouveau livre. Car si Nicolas Rey se plie mal au jeu artificiel et un peu froid de la promo, il se livre en revanche sans fards, dans un flot de paroles où se mêlent de façon touchante lucidité désespérée et émerveillement enfantin.

Parutions.com : Vous avez l'air de vivre une période un peu difficile...

Nicolas Rey : C'est juste que le direct, avec la quotidienne de Pascale, c'est génial, mais c'est du boulot... Et puis il y a Star Mag avec Naulleau, pour lequel je dois rédiger cinq éditos d'un coup ! Car c'est une quotidienne, même si tout est enregistré le lundi... En tout ça fait dix chroniques à pisser par semaine ! C'est compliqué... plus la sortie du bouquin, plus une jambe en moins (Nicolas doit se faire opérer de la jambe - NDLR), plus mon fils une semaine sur deux... donc raconte-moi comment c'est la vraie vie, parce que moi j'ai plus le temps de rien !

Parutions.com : Eh bien, je ne sais pas, la vraie vie, est-ce qu'on ne la cherche pas un peu dans les livres, parce qu'on ne sait jamais si sa vie à soi c'est la vraie vie ?

Nicolas Rey : Tu parles... Tu fais quoi, toi, en te réveillant ? Par exemple, t'as fait quoi ce matin ? T'as des enfants ? Moi j'ai un fils, il a quatre ans, je l'ai une semaine sur deux.

Parutions.com : Je sais, on apprend tout dans le livre... Et c'est dur, de ne l'avoir qu'une semaine sur deux ?

Nicolas Rey : Oh je n'ai pas vraiment eu le choix... c'est déjà bien de l'avoir une semaine sur deux ! Quand ça s'est terminé avec sa mère, on est allé voir un pédopsychiatre, pour tenter de démêler un peu tout ce qu'on entend sur la séparation des couples avec enfants : est-ce que c'est mieux un week-end sur deux pour le père, ou trois jours l'un, deux jours l'autre, etc. Il existe plein de théories, et nous on ne savait pas. On lui a dit qu'on voulait trouver la meilleure solution pour l'enfant. Le pédopsychiatre nous a dit que ça faisait du bien de voir un couple séparé venir lui dire ça ! Il nous a dit que puisqu'on était voisins, ce serait bien une semaine sur deux. Mais attention, il ne faut pas que l'enfant ait la sensation d'avoir deux maisons, parce que ce serait comme s'il n'en avait aucune : donc chez lui c'est chez maman, mais il va une semaine sur deux chez papa.

Parutions.com : C'est pas facile : Dan Franck le raconte bien dans Les Enfants...

Nicolas Rey : Le piège à éviter c'est d'être une sorte de papa gâteau, papa-cadeau. Lui-même m'a fait comprendre qu'il n'avait pas besoin de ça pour m'aimer, qu'il fallait qu'on lui fixe des barrières, des règlements, ne serait-ce que pour pouvoir mieux les transgresser, que je n'étais pas son «parrain flamboyant», mais son père. Pas de télé le matin, couché à 9 heures... Tout ce qui concerne sa santé, sa sécurité, je tilte. Le matin du coup, on discute, on se marre. Ce matin par exemple, on a eu une discussion vachement sérieuse, il m'a dit : «papa, tu sais, c'est dur l'école. Le dessin, c'est dur. Le découpage, c'est dur. Tu sais papa, l'école, c'est vraiment dur».

Parutions.com : Et votre livre dans tout ça ?

Nicolas Rey : Il y a déjà plein de gens qui me tombent dessus pour me demander si c'est une fiction, une autobiographie, un récit... J'ai trouvé ma réponse : On est au-delà de l'autobiographie ; tout est vrai. Tout est faux aussi. - C'est-à-dire ? - C'est-à-dire c'est un livre ! Tout est faux, tout est vrai et je t'emm... ! Un livre est bon ou mauvais, point barre.

Parutions.com : Vous n'avez pas envie d'en parler ?

Nicolas Rey : C'est pas que je n'aie pas envie d'en parler, mais je trouve ce genre de questions stupide : évidemment que c'est du «mentir-vrai», évidemment qu'on serait prêt à mourir pour une bonne page, évidemment que c'est un mélange de ce qu'on a vécu, de ce qu'on n'a pas osé vivre, de ce qu'on regrette, du dégoût de soi, et puis d'une vérité, et d'un règlement. Mais en même temps, au bout du compte, ce qu'il faut, c'est que cet intime-là le plus précieux, cette vérité puisse toucher quelques personnes... Et pour cela il faut que la page soit bonne, et alors tous les coups sont permis. On s'en fiche que cela soit autobiographique, ou semi-romancé, ce qu'il faut c'est que la page tienne la route. Le reste... C'est pour cela que je n'ai pas aimé la cabale contre Frédéric Mitterrand : on n'attaque pas un livre ! Un livre ne possède pas d'arguments pour se défendre.

Parutions.com : Oui mais dans Un léger passage à vide ce n'est pas tant ce qu'il y a dedans qui est frappant que le fait qu'il clashe vraiment avec les précédents, dans le sens où vous vous nommez, sans vous cacher derrière un personnage.

Nicolas Rey : Il ne devait pas exister ce livre au départ, c'est le résultat d'un deal avec Marion (directrice des éditions Le Diable Vauvert - NDLR), mais les deals avec Marion c'est comme au poker... J'ai dit OK, mais, comme on dit en langage marketing, ça risque d'être «clivant». Je me suis dit que j'avais changé - je suis abstinent depuis deux ans - donc si j'écris je ne vais pas faire les choses à moitié, et ça sous-entendait ça. Je sais que le résultat est très violent... Je ne triche pas, je dis mon nom...

Parutions.com : Le livre donne l'impression d'une grande tristesse. Malgré tout, comme dans vos précédents romans, il y a des passages très drôles, comme celui où peu après votre cure de désintoxication vous acceptez de vous traîner à une soirée où un type qui se croit marrant vous demande ce que vous faites dans la vie, à part boire des cocas light ?

Nicolas Rey : C'est du vécu... Au début, tous les jours c'est dur quand tu es abstinent ! Quand tu arrives à une soirée, inévitablement ça commence par l'apéro... En plus quand tu t'es défoncé pendant dix ans tu ne reconnais personne, on te présente machin, et tu fais semblant vaguement de voir qui c'est. Et là, eux ils ont besoin de se mettre en jambes pour discuter. Donc c'est première tournée, deuxième tournée, troisième tournée... Et puis enfin au bout de deux heures et demi la maîtresse de maison arrive comme une fleur et dit : «et si on passait à table ?» Ah bon ? Mais on était là pour quoi ? Moi j'ai juste envie de bouffer et de me barrer ! Tout est difficile, c'est vrai. Mais ça va mieux, là. Quand j'étais en clinique, j'ai vu des mecs retomber au bout de douze ans ! Parce qu'au fur et à mesure tu te sens fort, et il suffit d'aller manger des fruits de mer un jour sur la côte, tu te laisses aller à prendre un verre de blanc, et hop, ça faisait douze ans que t'avais pas bu, et en trois semaines tu te retrouves en clinique. C'est ça en fait : ce n'est pas un très joli mot mais c'est celui-là : alcoolique. Un Français sur dix quand même ! Même si en France, on n'a pas le droit de le dire, à cause des lobbies du vin... L'alcool est une drogue dure, au même titre que l'héroïne ! Si je bois un kir, tout de suite l'information va être transmise au cerveau par les neuro-transmetteurs et ça va être «plus fort que moi», au sens d'un des premiers bouquins de Guillaume Dustan : c'est pas un kir que je vais boire, c'est trois, quatre bouteilles, et ça va entraîner la coke après, pour me redynamiser, et puis les médocs pour redescendre... Mais c'est l'alcool en premier. Et tous les matins tu te réveilles en te disant que tu vas essayer de tenir le coup aujourd'hui. Mais il faut prendre ça comme un jeu : de la date de naissance à la date de décès la vie est une immense farce. Le seul truc qui importe pour moi, c'est le petit : il faut rester en vie quand même !

Parutions.com : C'est ça qui explique tout, la cure de désintoxication, le livre ?

Nicolas Rey : Tout. Le reste n'a aucune importance. Ma carrière je l'ai déjà pulvérisée, j'ai tout foutu en l'air ; je n'ai pas de plan média, pas de réseau, j'ai passé dix ans à sortir tellement défoncé que je ne me souviens plus du nom des gens, et ceux que j'ai vus, je pense que je ne leur ai pas fait forte impression, maintenant je ne sors plus... Je crois bien que je n'aurai jamais le prix Fémina... Mais je crois que je vais m'en remettre ! C'est comme si j'étais déjà mort et que tout ce que je vivais maintenant c'était du bonus. Il ne peut plus rien m'arriver...

Parutions.com : Mort depuis quand ?

Nicolas Rey : C'est une vraie mort d'arrêter de se défoncer ! Les gens disent «la drogue c'est pas bon». Mais si c'était pas bon les gens n'en prendraient pas... Et ne plus avoir ça... tout semble fade, mou, morne. Heureusement qu'il y a Pascale Clark, le direct sur France Inter tous les jours, faut y aller !

Parutions.com : Il n'est donc pas vrai que votre carrière soit finie : on vous entend tous les jours à la radio !

Nicolas Rey : Oui mais alors là, c'est comme le système des cracks boursiers : on va parler de toi et te porter aux nues pendant trois mois pour les mêmes mauvaises raisons ou absences de raisons que tu vas être descendu en flèche six mois après !

Parutions.com : Vous ne vous considérez pas comme un écrivain ?

Nicolas Rey : Il se trouve que j'ai lu un peu, donc je sais ce que c'est qu'un écrivain... Je ne suis pas dupe non plus... C'est une discussion de fond que j'ai souvent avec Beigbeder : lui me dit – et ça se tient sa version – que quand on écrit un livre il faut y croire, comme un gosse avec ses jouets. Alors que moi dès que j'ai fini d'écrire, je passe à autre chose, je n'y crois plus. Beigbeder me dit que si moi même je n'y crois pas, qui va y croire ? Je serai écrivain le jour où j'arriverai à croire à ce que j'écris pas seulement quand je l'écris, mais après aussi.

Parutions.com : En même temps, si on prend par exemple Gainsbourg, il affirmait lui-même que la chanson était un art mineur, par rapport à la peinture, par exemple. Et pourtant on voit ce qu'il a pu en faire de son art mineur !

Nicolas Rey : C'est vrai. Un jour sur le plateau de Pivot, Gainsbourg avait engueulé Guy Béart en lui disant : «arrête, je suis pas un artiste, je ne suis qu'un peintre raté». Gainsbourg, c'était la peinture... moi, ma vraie passion, c'est le cinéma, pas la littérature. Si j'avais fait Husbands de Cassavettes, ou Le Petit lieutenant de Xavier Beauvois, là j'aurais l'impression d'avoir fait quelque chose. Pour terminer avec ça, avec Pascale, justement, avec qui j'ai fait Tam Tam, En aparté, etc., si je dois faire le bilan, ce dont je me souviens, ce n'est pas de mes bouquins, c'est deux trois chroniques avec elle. Là j'ai créé un truc. Et c'est pas facile : t'es en direct, alors si tu bafouilles, t'es mort ; t'as deux minutes, t'as pas intérêt à penser au nombre d'auditeurs sinon t'es liquide, mais il faut y aller. Si tu veux que tes chroniques n'aient pas l'air écrites il faut justement qu'elles le soient avec précision. C'est pas la télé, t'as pas le physique pour tenir le coup. Il faut que la ceinture soit là, assez stricte. Pascale me donne un cadre, une direction, quitte à ce que je me permette de déraper, mais il y a une vraie structure.

Parutions.com : Certaines chroniques sont très réussies, d'autres ratées ? Vous le réalisez à quel moment ?

Nicolas Rey : Même quand c'est moins bon, c'est l'avantage de la quotidienne, tu penses déjà au lendemain, t'as tellement le nez dans le guidon que t'as pas le temps de refaire le match. Le lendemain c'est reparti. Je pense que c'est le genre de trucs qu'on peut faire un an, pas plus, parce que le problème d'une chronique, c'est que ça peut venir en vingt minutes comme en deux ou trois heures. Quand tu rentres dans le bureau pour travailler tu ne sais pas si tu vas en ressortir dans trente minutes ou dans cinq heures. A partir du moment où t'as l'axe, c'est bon, tu déroules. Mais si tu l'as pas, tu fais quoi ? A chaque début de chronique je suis mort de trouille... et je n'ai plus de béquille chimique pour m'aider. Maintenant, je suis à jeun, je suis sec, et il faut y aller quand même. Mais il y a de bons côtés quand même : par exemple j'ai découvert le matin, que je ne connaissais pas, et c'est top le matin. Et puis je m'achète plein de DVD au Virgin de Barbès, je découvre plein de séries. Avant de me coucher je regarde des documentaires ou des entretiens piqués à la maison de la radio, sur Pasolini, ou sur Simenon... Ce sont mes petites folies à moi ! Ah c'est moins glamour qu'avant, je suis désolé. Mais je vais vivre plus longtemps, je l'espère en tout cas ! Enfin, pour reprendre des expressions de séries, c'est la Saison 2, je ne peux plus revenir en arrière.

Parutions.com : Et alors pour en revenir au livre, c'est venu comment ? Il paraît qu'en juin dernier vous n'aviez pas de projet d'écriture...

Nicolas Rey : C'est Marion, qui travaille au Diable Vauvert, qui me l'a proposé cet été, pour les dix ans de la maison d'éditions. On a toujours fonctionné comme ça avec Marion, on se lance des défis. Et ce bouquin, ça va être quitte ou double. Cette fois-ci on va savoir, on enlève les masques, on enlève tout. Dans les autres livres, il y avait toujours la possibilité de s'en sortir, se cacher derrière le personnage, là non.

Parutions.com : Ce n'est pas un hasard alors si vous évoquez longuement dans un chapitre de votre livre Intimité d'Hanef Kureishi...

Nicolas Rey : C'est un de mes livres-culte ! C'est l'un des livres qui font en sorte qu'on se sent un peu moins seul.


Entretien mené par Natacha Milkoff, le 25 Novembre 2009
( Mis en ligne le 25/07/2011 )
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