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Beaux arts / Beaux livres -> Histoire de l'art |
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Expliqué et photographié : l’art roman dans les collections du Louvre | | | Jean-René Gaborit Danielle Gaborit-Chopin Jannic Durand L'Art roman au Louvre Fayard - Trésors du Louvre 2005 / 44 € - 288.2 ffr. / 258 pages ISBN : 2-213-62424-0 FORMAT : 26,0cm x 29,0cm
L'auteur du compte rendu ; David-Jonathan Benrubi, élève à l'école des chartes, président de l'Association historique des élèves du lycée Henri IV, poursuit, sous la direction de MM. Bruno Laurioux et Michel Pastoureau, des recherches sur les représentations des banquets au Moyen Age : «Représentations symboliques de la commensalité et de la table au Moyen Age». Imprimer
Lexposition La France romane, qui sest tenue lannée dernière au Louvre, a connu un franc succès, et joui dun rayonnement heureux. Son grand mérite était de rassembler en un même espace des trésors provenant de lieux de conservation très divers. Son défaut, peut-être, était un discours trop laconique sur les objets (hors du catalogue). Les conservateurs du Louvre, Jean-René Gaborit, Danièle Gaborit-Chopin et Jannic Durant, profitent de la vague de lexposition et dune association des Editions du Louvre et Fayard, pour revenir, de façon plus démonstrative, plus didactique (et avec toute la rigueur souhaitable) sur les collections romanes du Louvre.
Le livre sorganise autour de grandes parties chronologiques («Les sources de lart roman», «Lessor de lart roman aux Xe et XIe siècles», «Lapogée de lart roman», «Saint-Denis», «Du roman au gothique») et de chapitres thématiques (consacrés à un style ou à un support particulier). Passés les avant-propos et introductions dusage, il souvre avec bonheur sur un chapitre consacré à lhistoire des collections romanes du Louvre. Les auteurs rappellent le long discrédit dun art considéré comme barbare, fruste ou dégénéré, aux yeux du public, certes, mais aussi des conservateurs, la première acquisition par le Louvre dune sculpture romane datant de 1881 (il sagit du célèbre Daniel dans la fosse aux lions, en couverture du livre). Un hommage est donc rendu aux pionniers. Louis Courajord, «véritable fondateur de lactuel département des sculptures» (p.12), qui a donné son nom à l'une des pièces les plus célèbres du département, un Christ en bois polychrome du XIIe siècle. Emile Molinier, quant à lui, bien que ne lui aient pas été donnés les moyens dont jouissait à la même époque (la décennie 1850) le tout nouveau Victoria and Albert Museum, a le premier porté son regard sur les arts précieux des XIe et XIIe siècles, notamment les ivoires. En réalité, les confiscations révolutionnaires (trésor de Saint-Denis ; mais pas les "spoliations" en pays étrangers, puisque les oeuvres romanes nétaient pas recherchées), puis surtout les dons savamment suscités par les conservateurs, notamment dans lentre-deux-guerres ont modelé laspect des collections romanes du Louvre, plus que les acquisitions.
Cette histoire dun développement en sourdine explique le caractère non exhaustif des collections, reconnu avec honnêteté (et à plusieurs reprises) par les auteurs qui ne cherchent pas à sur-valoriser un patrimoine qui nen a pas besoin : peinture murale, enluminure, vitrail sont complètement absents. Certes, le Louvre propose un panorama large de la sculpture, mais ses collections dans ce domaine nont pas lépaisseur de celles, plus homogènes, des musées des Augustins (Toulouse) ou Sainte-Croix (Poitiers). Dun style avant tout architectural, le seul ensemble présenté est la porte de Sainte-Cécile dEstagel (ce qui correspondrait à une politique de longue date dencouragement au maintien sur site). Les «arts précieux hors du Saint-Empire» sont moins bien représentés que leurs parents ottoniens, etc. Il demeure que quelques «chefs-duvre» et des pièces dintérêt historique font de des collections romanes du musée parisien (réparties entre le Département des sculptures et celui des objets dart) parmi les plus riches dEurope.
Le parti-pris des auteurs semble être celui dune oscillation entre le genre du catalogue et celui de la synthèse dhistoire de lart : une sélection large mais non exhaustive dobjets présentés à la suite, mais avec des transitions qui permettront au curieux non spécialiste de suivre, à lintérieur de chaque chapitre, un mouvement densemble qui le mènera (au prix, il est vrai, dun effort soutenu) à plus quune bonne introduction à lart roman. Le vocabulaire emprunte sa précision à la notice de catalogue (précision autorisée dans un tel ouvrage par la possibilité du lecteur de se reporter à un glossaire assez complet), et la présentation de lhistoire muséographique de lobjet en a la rigueur. Des rappels généraux en début de chapitres, qui sappuient régulièrement sur la description de pièces provenant dautres collections, sont utiles même à létudiant en histoire de lart. La présentation est critique quand des hypothèses sont discutées, et tous les aspects (historique, plastique, iconographique, fonctionnel) des pièces sont abordés. Des chapitres, comme ceux sur les émaux rédigés par la spécialiste du sujet D. Gaborit-Chopin qui livre ici une synthèse de ses recherches, pourront servir de référence.
En histoire, la coutume veut que la fin de livre soit le lieu où chacun prêche pour sa paroisse, et les statues-colonnes de Saint-Denis, souvent considérées comme charnière vers le portail gothique, tendent, sur le mode conditionnel, à être «tirées» vers le roman. Leur originalité aurait été exagérée. Il est vrai quau chapitre suivant, intitulé «Du roman au gothique», est rappelé que, «outil indispensable pour la connaissance, la périodisation de lhistoire de lart trouve ses limites dans la réalité de la création et la liberté des créateurs» (p.217), ce qui est, au débotté, une prise de position (aujourdhui classique) dans le vieux débat sur la liberté des artistes au Moyen Âge.
On peut certes regretter une approche un peu trop exclusivement «historienne de lart», peut-être fermée aux apports dautres champs scientifiques, comme celui de l«anthropologie historique» : lintroduction aux «images de culte» (p.111) est un peu bégayante, quand une utilisation, même critique, des célèbres analyses de Jean-Claude Schmitt sur les différents sens de l«imago» médiévale eût pu être éclairante. Liconographie, quant à elle, est riche, belle, et remarquablement bien légendée.
Tout en sinscrivant résolument dans la catégorie des beaux livres, LArt roman au Louvre se présente comme un livre intéressant, utile, dont lintelligence est de respecter un équilibre entre la recherche érudite et le goût de ce qui est donné à voir.
David-Jonathan Benrubi ( Mis en ligne le 11/01/2006 ) Imprimer
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