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Histoire & Sciences sociales -> Antiquité & préhistoire |
| Adalbert de Vogüé Histoire littéraire du mouvement monastique dans l'Antiquité - Tome 9, De Césaire d'Arles à Grégoire de Tours (525-590) Cerf - Patrimoines Christianisme 2005 / 49 € - 320.95 ffr. / 374 pages ISBN : 2-204-07479-9 FORMAT : 15 x 24 cm
L'auteur du compte rendu : Historienne et journaliste, Jacqueline Martin-Bagnaudez est particulièrement sensibilisée aux questions dhistoire des religions et dhistoire des mentalités. Elle a publié (chez Desclée de Brouwer) des ouvrages dinitiation portant notamment sur le Moyen Age et sur lhistoire de lart. Imprimer
Cest au milieu du VIe siècle, au cur même de la période couverte par le volume que vient de donner le P. de Vogüé, que fut rédigée la règle monastique de saint Benoît. Mais contrairement à ce à quoi lon pourrait sattendre (sur la foi dailleurs du bandeau placé par léditeur sur louvrage), celle-ci noccupe quune partie finalement peu importante en quantité dans ce livre : une cinquantaine de pages, à peine plus que luvre de Cassiodore. Lauteur sen justifie avec bon sens : lui-même a déjà multiplié les études sur ce texte fondateur et ne souhaite ici que souligner quelques points de comparaison avec la Règle du Maître, présentée dans le précédent volume. Il réaffirme toutefois loriginalité de Benoît, simplificateur de son devancier et inspiré, plus que lui, par la pensée augustinienne.
Mais cest surtout linfinie richesse et la multiplicité des expériences qui frappe, au cours de ce siècle. Nous sommes essentiellement en Gaule et en Italie ; la littérature étudiée sadresse tantôt aux hommes, tantôt aux femmes, aux cénobites comme aux ermites et reclus (on signalera même un stylite, Ulfilaic, diacre de Trèves !). Conservant la méthode suivie précédemment, A. de Vogüé profite dune étude de textes (amplement cités, toujours en français) pour faire revivre une véritable histoire des hommes qui ont fait le monachisme du VIe siècle. Ce qui explique quil rassemble dans chacun de ses chapitres des écrits divers, dordres historique, spirituel, réglementaire, épistolaire, etc.
Un exemple permettra dapprécier son savoir-faire, celui des pages consacrées à Césaire dArles ( 542), dabord moine à Lérins, puis exclautré dans le clergé dArles, dont il fut évêque. On cite dabord quelques documents relatifs à sa fondation féminine, puis des témoignages de certains de ses disciples sur sa vie de moine/évêque. Viennent ensuite des lettres de Césaire à son neveu, le prêtre Teridius, puis à sa nièce, Césarie la Jeune, abbesse. On poursuit par la biographie de Césaire rédigée par ses amis, des propos tenus par Césarie au sujet de son oncle et enfin une lettre de cette même abbesse aux fondatrices du monastère de Poitiers. Autant de textes, autant de commentaires savants et nourris.
Un foisonnement de créations de tous ordres caractérise la période. La plupart nauront pas la descendance dont bénéficie la règle bénédictine. Mais beaucoup font preuve dune originalité remarquable. Ainsi en va-t-il de la communauté, à la fois cénobitique et érémitique, installée dans sa propriété, à Vivarium (Italie du Sud), par le riche lettré quest Cassiodore, vers 555. Ce savant, commentateur des psaumes, inspiré par saint Augustin, est une figure attachante et représentative du pieux intellectuel de ces temps troublés. Dautres, tels les Italiens Paul et Étienne, témoignent dune connaissance des Règles orientales de Basile et de Pachôme. Loin dêtre fermé sur lui-même, le monde occidental souvre à la connaissance des textes grecs fondateurs, par des travaux tels que la traduction en latin du Codex Justinianus (534) assurée par le futur pape Pélage à partir de 555. En outre, il est ouvert à toutes les adaptations utiles : si Césaire a dabord organisé une communauté de moniales avant de penser au même genre de vie pour des hommes, Aurélien dArles suit la démarche inverse.
Sans doute arrive-t-il que le tableau présente des aspects peu édifiants. Les récits que livre Grégoire de Tours des murs en usage chez certaines moniales de Tours et de Poitiers bien loin des idéaux poursuivis par la fondatrice Radegonde - le montrent assez. Mais, de façon générale, on assiste alors à une étroite compénétration du monachisme et du clergé séculier. Constatation qui sillustre par lavènement à la papauté, en 590, du moine Grégoire de Rome, futur Grégoire Ier.
Avec cet événement se termine ce volume de lhistoire littéraire du mouvement monastique dans lAntiquité. Trois autres devraient suivre, avant de clôturer la série «latine». Sans doute lensemble sadresse-t-il à un public spécialisé. Il est toutefois remarquable que des études aussi érudites restent lisibles par quiconque sintéresse à la richesse humaine de lhistoire religieuse, en dehors de toute préoccupation apologétique.
Jacqueline Martin ( Mis en ligne le 23/03/2005 ) Imprimer
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