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Histoire & Sciences sociales -> Antiquité & préhistoire |
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Restes fragmentaires d’un bibliothécaire poète | | | Callimaque Fragments poétiques Les Belles Lettres - Fragments 2006 / 33 € - 216.15 ffr. / 308 pages ISBN : 2-251-74204-2 FORMAT : 13,5cm x 21,0cm
L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de lI.E.P. de Toulouse, est titulaire dune maîtrise en histoire ancienne et dun DEA de Sciences des Religions (EPHE). Ancien élève de lInstitut Régional dAdministration de Bastia et ancien professeur dhistoire-géographie, il est actuellement élève conservateur à lEcole Nationale Supérieure des Sciences de lInformation et des Bibliothèques. Il est engagé dans un travail de thèse en histoire sur les cultes et représentations des Nymphes en Grèce ancienne. Imprimer
Le grand ancêtre de la bibliothéconomie, Callimaque de Cyrène, a paradoxalement laissé peu décrits complets à part les Hymnes consacrés à Zeus, Apollon, Artémis, Délos, Pallas et Déméter. Ces derniers ont fait lobjet en 1925 dune édition bilingue par Emile Cahen dans la Collection des Universités de France, refondue en 1939 et régulièrement rééditée depuis, intégrant également des fragments duvres diverses, notamment lHécalè, les Origines, les Iambes, des épigrammes et pièces lyriques, et des élégies.
Le même éditeur propose dorénavant dans la collection «Fragments» un panorama plus large de ces morceaux duvres transmis par lintermédiaire de papyrus nouvellement découverts ou de citations chez dautres auteurs (sans négliger les scholies). Les textes sont traduits et commentés par Yannick Durbec, docteur de lUniversité de Provence, qui a soutenu en 2004 une thèse sur les livres III et IV des Origines, sous la direction de Didier Pralon.
Callimaque de Cyrène fut au IIIe siècle av. J.-C. un acteur majeur de la vie intellectuelle alexandrine, à la fois homme de cour, poète, et philologue. Sil ne fut jamais responsable de la Bibliothèque dAlexandrie, il en réalisa néanmoins le premier catalogue systématique, sous forme de Pinakes (Tables) en cent vingt rouleaux. Le peu qui en a été préservé laisse entrevoir limpressionnante érudition de lauteur, qui classa les uvres en grands champs du savoir, mais aussi par genres et formes pour les textes poétiques. Luvre poétique du bibliothécaire accueillit aussi cette érudition qui prit également la forme de recueils savants qui nont malheureusement pas été conservés : Collection des merveilles de la terre habitée classées par lieux ; Coutumes barbares ; Sur les jeux ; Sur les fleuves de la terre habité ; Fondations des îles et des cités et leurs changements de noms ; Sur les vents ; Sur les oiseaux, etc
Malgré sa notoriété à lépoque hellénistique, romaine, puis byzantine, peu de chose subsiste de cette uvre formidable, de nombreux manuscrits ayant notamment disparu lors de la conquête de Constantinople par les Croisés au début du XIIIe siècle ap. J.-C. Depuis sa redécouverte par les humanistes de la renaissance, luvre de Callimaque a fait lobjet de nombreuses éditions, dont les plus marquantes sont celles de lallemand R. Pfeiffer en 1943 et 1953. La fin du XXe siècle fut une période faste pour les études callimachéennes, qui intégrèrent les papyrus découverts depuis lors et rééditèrent certains fragments.
La première uvre poétique retenue ici, les Origines ou Aitia, regroupe des poèmes étiologiques qui donnent leur nom au recueil. Il sagit de mythes racontés non pour eux-mêmes, mais comme explications dune cérémonie ou dune pratique curieuse, le fait antique étant considéré comme la cause (aition) de lusage moderne. Le but est ainsi de rendre compte de pratiques cultuelles et rituelles devenues incompréhensibles. Deux poèmes dédiés à lépouse de Ptolémée III Evergète, Bérénice II (originaire de Cyrène comme Callimaque), encadrent les deux derniers livres des Origines : la «Victoire de Bérénice» (épinicie en lhonneur de son attelage qui remporta la victoire aux Jeux Néméens) et la célèbre «Boucle de Bérénice» qui évoque la disparition de loffrande dune boucle de cheveux par la reine, que lastronome de la cour prétendit avoir découverte dans une constellation jusque là inconnue.
La seconde uvre dont les fragments sont ici repris, les Iambes (poèmes où est utilisé le mètre iambique), a jusquà présent peu attiré lattention des spécialistes. Elle se situe dans la tradition de la poésie iambique archaïque, volontiers satirique. Les érudits contemporains, les membres du Musée, semblent être ainsi lobjet des attaques de Callimaque dans le cadre de polémiques littéraires.
LHécalè est un petit poème épique ayant pour héros le jeune Thésée. Largument du poème a été préservé : le jeune homme, reconnu par son père Egée à son arrivée à Athènes, malgré les machinations de Médée, part combattre le taureau qui dévastait Marathon. Pris dans une tempête, il trouve refuge chez une vieille femme pauvre, Hécalè, qui lui offre lhospitalité de son humble cabane. Après avoir triomphé du monstrueux animal, Thésée veut rendre hommage à celle qui la si bien reçu, mais il apprend la mort de son hôtesse. Il élève alors un autel à Zeus Hécalèios et établit son culte. Le poème est ainsi destiné à expliquer le nom et le culte du dème attique dHécalè. Sa reconstitution a donné lieu à de multiples hypothèses, léditeur retenant ici celle dA.S. Hollis (Callimachus Hecale, Oxford, 1990), bien éloignée de celle retenue par Emile Cahen dans la Collection des Universités de France. Viennent ensuite des fragments de «poèmes épiques et élégiaques» connus également par des papyrus ou des citations. Louvrage se termine sur le purgatoire des «fragments de place incertaine», rubrique que léditeur, optimiste, espère voir à terme disparaître.
Une bibliographie actualisée dune vingtaine de pages, classée par ordre alphabétique dauteurs, donne des pistes utiles pour la recherche. Trois index (dieux et personnages mythologiques, peuples et noms géographiques, personnages historiques) permettent de sy retrouver, mais un index supplémentaire avec une table de correspondance des fragments aurait également été très utile pour faciliter la recherche et surtout avoir une meilleure vue densemble, permettant de meilleures comparaisons avec la vieille édition dEmile Cahen. Lintroduction, bien quun peu courte (huit pages), présente bien les problèmes, également abordés dans les utiles notes de bas de page qui accompagnent la traduction. Il faut donc saluer lédition de ces fragments de Callimaque, qui contribue à mieux faire connaître les chemins peu fréquentés, en France, de la poésie hellénistique.
Sébastien Dalmon ( Mis en ligne le 04/01/2007 ) Imprimer | | |
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