| Pierre-Philippe Barkats Ma très chère Françoise Patrick Robin Editions Editions Télémaque 2005 / 17 € - 111.35 ffr. / 190 pages ISBN : 2-7533-0025-9 FORMAT : 15 x 21 cm Imprimer
Cest vrai quune grande dame sen est allée en ce mois de janvier 2003, maladroite et de verre comme on lest à 86 ans. Journaliste flamboyante, féministe conséquente et bon teint, mondaine sobre, écrivain prolifique quand dautres commencent à plier sous le poids des ans, Françoise Giroud a incarné un siècle, la condition féminine, la France et sa lumineuse capitale
Pierre-Philippe Barkats la rencontre en quasi fin de course, début des années 80, en plein reflux, LExpress dans un horizon lointain, loin derrière, un ministère lui aussi teinté de sépia
Lui, il est jeune et fringant, brillamment diplômé, inséré dans un réseau puissant (les Attali, etc.) : il rencontre la vieille dame, déjà impatient et tout ébullition devant la figure historique, cristallisée
Une amitié naît très vite, que Pierre-Philippe Barkats nous raconte ici.
«Une reine déchue, mise à la retraite à la fin des années 70. Elle nest plus patronne du grand Express, plus ministre, plus rien
[
] une figure du passé, aux cheveux décolorés, sans uvre véritable» (p.28)
Le tableau, sans doute par trop noirci, nous montre une Françoise Giroud méconnue. Peut-être parce que la renaissance de ce phoenix en plumes et encre nous est passée plus inaperçue quà lui, avec des romans à la pelle, des chroniques appréciées dans les colonnes du Nouvel Obs, à la Mauriac façon Mamie Nova
Mais dans le point mort de ces années transitoires, il est là et lobserve, elle et son monde, dignes des Goncourt un siècle avant, allées et arcanes du pouvoir, salons et soirées, les fantômes et le faste nourrissent cette plume encore aujourdhui amoureuse : lenfant perdu, JJSS laimé, le rival, le regretté -, les tentatives de suicide, une psychanalyse avec Lacan, les blessures sont filées en noir au satin doré dune vie pleine et, en effet, admirable
Savoureuse, la confidence dune conversation surprise entre Barre et Rocard, hommes de pouvoir rassemblés par la chose publique, plus daccord en off quon ne veut le croire bêtement (p.126).
Dans la mise en scène rétrospective de ces vingt ans, lauteur sagite, exulte autour dune figure de marbre. Car cest la sobriété même, point austère mais simplement juste, qui séduira le lecteur chez cette femme des lettres, femme de culture, Parisienne majuscule dans les allées dun Paris éclatant : entre la Locanda, la Tour dArgent et lappartement du boulevard de La Tour-Maubourg. Géographie particulière où nous convie joyeusement une plume quon dira juvénile, à la fois simple, spontanée et, aussi, maladroite.
Car il y a des maladresses dans ces témoignages. Dans ces notes de bas de page (p.66-67) comparant lhéroïne tantôt à Sarah Bernhardt, tantôt aux fameuses Little women de L.-M. Alcott («Little women, uvre populaire américaine de Louisa May Alcott, dont fut tiré un film célèbre qui, comme le travail de Françoise, a servi la liberté des femmes du monde entier» - p.67). Par endroits, lencre sempèse dun sucre peu goûteux aux papilles, sirupeux par touches, franchement indigeste quand, dans une démonstration «abracadabrantesque», lauteur, mêlant références à Star Wars et confessions de Françoise Giroud au seuil de la mort, en fait une sorte de pasionaria juive cadrant mal avec le personnage. Ici, le récit est impudique au mieux, dérangeant au pire. Etrange kabbalistique en tout cas !
Thomas Roman ( Mis en ligne le 26/10/2005 ) Imprimer
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