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Cinéma novo
avec Joaquim Pedro de Andrade
Carlotta Films 2007 /  49.99  € - 327.43 ffr.
Classification : Tous publics

Sortie Cinéma, Pays : Brésil
Sortie DVD : Juin 2007

Version : 5 DVD 9, Zone 2
Format vidéo : PAL, format 1.37
Format image : Noir et blanc, 4/3
Format audio : Portugais
Sous-titres : Français


DVD 1 :
Le Film : Macunaima
- L'introduction de Joaquim Pedro de Andrade
- Entretien avec Heloisa Buarque de Hollanda
- La restauration de Macunaima : Un documentaire sur la restauration du film en Haute Définition
- 2 courts-métrages : "Cinema Novo" et "Peau de chat"

DVD 2 :
Le Film : Les Conspirateurs ( Os Inconfidentes)
- Garrincha, héros du peuple
- L'Aleijadinho

DVD 3 :
Le Film : Le Prêtre et la Jeune Femme ( O Padre e a Moça)
- L'entretien avec Joaquim Pedro de Andrade par Sylvia Bahiense
- 3 courts-métrages "Le poète de Castelo", "Le Maître d'Apipucos" et "Brasilia : contradictions d'une ville nouvelle"

DVD 4 :
Le Film : Guerre Conjugale (Guerra Conjugal)
- Guerre Conjugale par José Carlos Avellar
- Sentier Tropical de Joaquim Pedro de Andrade
- Sentier Tropical par José Carlos Avellar
- L'Arc et la Flèche : Un entretien de Joaquim Pedro de Andrade fait par ses amis Sylvie Pierre, Georges Ulmann et Mauricio Gomes Leite
- La restauration des films de Joaquim Pedro de Andrade

DVD 5 :
Le Film : L'Homme du Bois Brésil (O Homem do Pau Brasil)
- documentaire Le Langage et la persuasion
- Le Langage et la persuasion par José Carlos Avellar
- documentaire Maître Joaquim Pedro

L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.

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Joaquim Pedro de Andrade (1932-1988) est l'un des cinéastes les plus connus du Cinéma Novo, la révolution cinématographique brésilienne, à l'instar de Glauber Rocha, Carlos Diegues ou Paulo Cesar Saraceni. Les éditions Carlotta, avec un travail éditorial colossal et un souci d’exhaustivité qui force le respect, offrent l'occasion inédite de faire connaissance avec la totalité de sa filmographie et de découvrir un cinéaste de talent, hélas un peu oublié de nos jours, en plus de faire une véritable plongée dans la culture d'un pays mal connu : le Brésil.

Né à Rio de Janeiro, Joaquim Pedro de Andrade débute en 1950 des études de physique à la faculté de Philosophie de la ville. Son professeur de mécanique tient un ciné-club et, passionné de cinéma muet, projette Limite de Mario Peixoto, Le cuirassé Potemkine, Octobre... Les étudiants fondent un journal et se lancent dans la production. Ils sont tour à tour acteurs réalisateurs, producteurs. Joaquim Pedro de Andrade travaille deux ans comme physicien puis abandonne son métier pour le cinéma. A partir de 1957, il devient assistant sur quelques tournages puis s'associe à des Brésiliens venus d'Europe, qui veulent faire des films commerciaux. Il les quitte en ayant réalisé un documentaire sur Manuel Bandeira qu'il connaît personnellement (c'est son parrain) puis tourne Peau de chat en 1960. Joaquim Pedro de Andrade emmène son film non terminé en France, ce qui lui permet de décrocher une bourse d'études. Sacha Gordine, le producteur d'Orfeo Negro, finance la sonorisation du film. Après un an d'études à l'IDHEC et une fréquentation assidue de la Cinémathèque française, il entre en 1962 à la Slade School of Arts de Londres. Impressionné par les nouvelles vagues en Europe, son cinéma va se confondre avec celui du Cinema Novo.

Le premier DVD est une vraie (re)découverte puisqu'il s'agit du film le plus connu de Joaquim Pedro de Andrade, Macunaíma. Loufoque, drôle, impertinent, irréaliste, le film est une réussite même si son rythme s'épuise un peu en cours de route. Adaptant le roman de Mário de Andrade (1893-1945), qui fit scandale en 1928, le cinéaste n'est pas loin de réussir un petit miracle. L'action de Macunaíma se situe au début au fond de la forêt vierge, au lieu-dit Pai da Tocandeira. C'est là que naît Macunaíma, un enfant noir au corps d'adulte, personnage flemmard, baiseur et amuseur invétéré. Demi-dieu et héros picaresque à la fois, il est le fils prodigue de la nature brésilienne, sensuelle et contrastée. On est ici, pour établir un parallèle, plus du côté de Rabelais. Il s'appelle "Macunaíma", dit la mère, car les noms qui commencent par "Ma" portent malheur.

La scène d'ouverture est quasiment anthologique. "Ca y'est. Il est né", dit sa mère (ici un homme joue le rôle de la mère!) après avoir hurlé en expulsant son nouveau fils qui tombe d'entre ses jambes ! "- C'est un garçon, mère. Regarde sa tête, mère comme il est joli !", s'exclame un de ses fils. "- Mon Dieu ! Qu'il est laid !", répond la mère ! "Faut dire que toi non plus, t'es pas une beauté !", répond son fils. Le ton est donné ! Il faut dire que le film mélange les personnages : Macunaíma noir est aussi le fils de Macunaíma un peu plus tard tandis que la mère de Macunaíma joue le rôle de Macunaíma devenu blanc (Paulo José) ! Macunaïma (Grande Otelo) tire sur sa grosse tétine, tue des fourmis, pleure sans cesse, et s'intéresse de très près à sa belle-sœur Sofara (Joana Fomm), femme de son frère Jiguê (Milton Gonçalves). Un jour, il oblige Sofara à l'emmener faire une promenade dans la forêt. Après avoir confectionné un piège avec lui, elle tire de son sexe une cigarette ! A peine en a-t-il fumé une bouffée que Macunaima se transforme en un beau prince blanc ! Jiguê ne tarde pourtant pas à les découvrir un jour tous les deux et chasse Sofara pour épouser la coquette Iquiri (Maria Do Rosario). Et l'on va ainsi de loufoque à plus loufoque ! A la mort de sa mère, Macunaima et ses frères émigrent du sertao vers la jungle urbaine. À mi-chemin, il subit une transformation et devient blanc en s'imprégnant de l'eau d'une source-fontaine surgit en plein champ. Devenu blanc, Macunaima estime avoir le droit de voler Iquiri à son frère !

Bref, remarquablement bien fait, avec un vrai souci du cadrage, Macunaíma n'a rien du film d'amateur et il est à découvrir d'urgence, d'autant que la suite se corse avec une vaillante femme-guerrière urbaine, un géant, Wenceslau Pietro Pietra, une sirène mangeuse d'hommes (Uiara) et deux-trois épisodes hilarants comme le canard qui chie de l'argent et un clochard qui tente de convaincre notre héros de se casser les couilles pour les manger ! Le même DVD propose de voir un documentaire, Cinema Novo (1967) où le cinéaste filme les principaux metteurs en scène du Cinéma Novo au travail, puis un remarquable court-métrage, Peau de chat (1967), qui montre à la veille du carnaval de Rio des enfants des rues qui tentent de voler des chats pour vendre leur peau aux fabricants de tambour... Sujet cruel qui montre bien bien toutes les contradictions du pays par le détail d'un fait concret (massacre de chats pour l'amusement et le divertissement).

Second film, Les Conspirateurs (1972) s'appuie sur les actes du Procès de la Conjuration du Minas, épisode fameux de l'histoire brésilienne, sur les vers des poètes impliqués dans le complot, et d'une poétesse, Cecilia Meireles. Nous sommes à la fin du XVIIIe siècle alors que la politique fiscale du Portugal appauvrit le peuple. Dans l'état du Minas Gerais, des intellectuels organisent un soulèvement contre le pouvoir colonial. Le sous lieutenant Tiradentes est l'instigateur de la rébellion qui compte cinq autres membres : le juge Gonzaga, poète à ses heures, qui va bientôt se marier, son ami le poète Claudio, Alverenga qui vise le pouvoir une fois le Brésil débarrassé des portugais, le père Toledo, le colonel de Paula et le docteur Alvares Maciel. Hélas, malgré une mise en scène toujours aussi rigoureuse, le film est plutôt raté, prenant des airs sentencieux, faisant déclamer ses héros, ce qui le rend vite pesant et fastidieux. Le contraste est absolu par rapport au tonique Macunaíma. Deux autres films accompagnent ce DVD, un documentaire sur le footballeur brésilien, Garrincha, et un second, L'Aleijadinho (1978) sur le vie et l'oeuvre du baroque brésilien Antonio Francisoco Lisboa, surnommé «L'Aleijadinho» (le petit infirme).

Le troisième DVD montre le premier film réalisé par Joaquim Pedro de Andrade, Le Prêtre et la jeune fille (1965), petite réussite en son genre puisqu'il évoque les étranges élans amoureux d’une femme envers deux prêtres. Les habitants d’un village isolé du Minas vivent dans la misère après l’épuisement des filons d’or et de diamants. Les hommes s’y déchirent pour Mariana, la seule jeune femme de l’endroit. A la mort de l’abbé arrive un jeune prêtre qui, lui aussi, ne saura résister aux charmes de Mariana. Leur amour provoque l’ire des villageois. Oeuvre austère entre Bresson et Buñuel, inspiré d’un poème de Carlos Drummond de Andrade, le film est remarquablement maîtrisé sur le plan formel. Trois autres documentaires l'accompagnent, le premier, Le Poète de Castelo (1959), qui montre le poète Manuel Bandeira dans son appartement de Castelo (centre de Rio), le second, La Mâitre d'Apipucupos (1959), qui raconte une journée dans la vie du sociologue et anthropologue brésilien Gilberto Freire, et enfin, le troisième, Brasilia : contradictions d'une ville nouvelle (1967), film critique et politique concernant la construction de Brasilia, six ans après sa fondation.

Le quatrième DVD présente un autre long métrage, Guerre Conjugale. Moins personnel que les autres films mais tout aussi bien réalisé, celui-ci entremêle plusieurs histoires adaptées de douze nouvelles du romancier Dalton Trevisan : un vieux couple de la petite bourgeoisie urbaine passe son temps à se disputer pour un oui pour un non. Un avocat essaie de séduire les femmes qui passent à sa portée... Guerre Conjugale illustre les chroniques de psychopathologie amoureuse et bourgeoise dans la ville de de Curitiba. Si les comédiens sont remarquablement dirigés, le film hésite entre plusieurs directions mais parvient très bien à concilier dérision et sens du tragique. Un autre long-métrage, Sentier Tropical, épisode d'Histoires érotiques, film à sketches de Joaquim Pedro de Andrade, Eduardo Escorel, Roberto Palmari, Roberto Santos, est plutôt surprenant. Trouvant les prostituées trop chères, un thésard désargenté a recours... aux pastèques. "Une pastèque ce n'est pas un vice. On peut s'en passer tu sais. C'est juste sain, frais, naturel, bon. En hiver, on peut la remplacer par une aubergine ou une citrouille mais il faut la cuire. Le melon c'est trop cher", dit-il à une amie étudiante. Petit film d'une vingtaine de minutes, Sentier Tropical est une réussite et contient des idées réellement surprenantes et audacieuses, avec toujours ce petit côté ironique et dérisoire concernant l'existence, marque singulière du cinéaste. La scène où le jeune homme fait l'amour à la pastèque vaut le coup d'être vue. Bientôt, c'est à la jeune fille d'essayer cette "gentille perversion" et elle va sur le marché choisir banane, yacca, papaye, carotte maxixe, concombre, aubergine, un poivron pour les entractes...

Enfin, le dernier long métrage, L'Homme du Bois Brésil, évoque la vie d'Oswald de Andrade, poète moderniste très actif en 1922 à Sao Polo. A la fois homme et femme, ayant une double personnalité, tout le monde lui dit Vous ! Et le film évoque cette personnalité par une double interprétation, un homme et une femme ! Et nous assistons à leurs péripéties fort singulières ! Par exemple, les Oswald viennent féliciter une danseuse qui leur accorde les faveurs de sa petite culotte ! Les Oswald ont une femme, Lala, et un enfant ! Mais aussi une maîtresse Dorothée, âgée de 18 ans ! Et l'on n'est pas prêt de s'arrêter en si bon chemin car nous croiserons le célèbre écrivain Blaise Cendrar, Rosa, une activiste révolutionnaire qui prône une entente avec la bourgeoisie en rappelant que la seule façon de lutter contre la Culture esclavagiste est d'en revenir à la culture anthropophagique des indiens ! Si le film est assez délirant et loufoque, il reste trop sérieux dans la façon d'organiser son propos, un peu dans le même ton déclamatoire que Les Conspirateurs. Enfin, pour terminer, le documentaire Le Langage et la persuasion réfléchit sur un monde manipulé par la publicité et le marketing tandis que le documentaire Maître Joaquim Pedro revient sur la carrière du cinéaste.

En résumé, Joaquim Pedro de Andrade, trop tôt disparu, est un cinéaste attachant et sensible, qui mérite amplement le détour, ne serait-ce que pour son chef d'oeuvre, Macunaíma. Si ses autres oeuvres sont un peu moins accomplies, en règle générale, elles dénotent un ton personnel, tragique et ironique à la fois, le tout dans une maîtrise cinématographique exceptionnelle.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 24/08/2007 )
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