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Pierre Louÿs   Oeuvre érotique
Robert Laffont - Bouquins 2012 /  30 € - 196.5 ffr. / 1027 pages
ISBN : 978-2-221-12747-6
FORMAT : 13,2 cm × 19,8 cm
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Pierre Louÿs (1870-1925) est un poète et écrivain symboliste proche de Gide, puis de Mallarmé. Peu lu de nos jours, il est l’auteur de quelques chef d’œuvres - Aphrodite (1896), La Femme et le pantin (1898), Psyché (Posth.1927) et de poèmes en prose symbolistes (Chansons de Bililitis). Les textes présentés ici sont évidemment soit posthumes, soit vendus sous le manteau. Beaucoup d'entre-eux ont été publiés dans les années 70 et 80, au moment d’une certaine libération des mœurs. Le lecteur pouvait déjà connaître Trois filles de leur mère (Posth. 1926), présenté par l’auteur comme une histoire vraie, ou Manuel de civilité pour les petites filles à l’usage des Maisons d’éducation (Posth. 1926). Il découvrira pléthore de textes érotiques, ou plutôt pornographiques, dont l’aspect scabreux choquera les âmes sensibles ou romantiques (ce qu’était le jeune Louÿs).

Que penser de ce genre de littérature en général et de la contribution de Pierre Louÿs en particulier ? Ce dernier est un grand écrivain, romancier et érudit de qualité, il a apporté à la littérature symboliste, ironiste et psychologique ses lettres de noblesse. Buñuel ne s’y était pas trompé en adaptant La Femme et le pantin avec Cet obscur objet du désir (1977). Il y a chez le poète une subtilité, un raffinement et une connaissance des mœurs de ce début de siècle qui le placent en haut de l’affiche intellectuelle de l’époque. D’ailleurs, son œuvre érotique n’est pas évoquée dans les dictionnaires littéraires officiels. Et pour cause, car elle tranche quelque peu avec son travail officiel. Elle est peut-être la résultante d’une consommation pathologique de sexe qu’il fallait bien transcender au moyen de l’écriture. Thèse banale certes mais qui parait bien probante.

Il y a dans ces œuvres érotiques un leitmotiv surprenant : l’acharnement pornographique. Que l’on se trouve au début d’un poème, d’un essai, d’un pastiche ou d’un roman, la rencontre sexuelle arrive très vite et sa description est particulièrement détaillée avec son cortège de perversions assumées, de détails anatomiques, de dialogues vulgaires, d’actes scatologiques et de propos châtiés. L’idée était de procurer chez le lecteur une réelle excitation (rappelons qu'à l'époque on ne pouvait combler sa frustration ou son obsession sexuelle qu’à partir de cette littérature interdite ; il fallait bien, en tant qu'auteur, s’y essayer et proposer ce genre de transgression).

Trois filles de leur mère pour ne citer que le texte érotique le plus connu débute par un coït entre un homme d’âge mur et une fille de 14 ans, après une page de préambule seulement. Sans subtilité ni séduction, les propos vicieux annoncent tout de suite les actes sexuels les plus scabreux s’enchaînant avec une frénésie terrible et avec une série de détails pratiques, qu’ils soient buccaux, vaginaux ou annaux, n'épargnant pas le lecteur curieux ou non d'anatomie féminine. L’idée n’est pas d’être fermé à ce genre de littérature (quoiqu'on devrait l'interdire aux plus jeunes), mais l’écœurement et la banalité finiront par lasser le lecteur, certes choqué, mais surtout interloqué devant tant d’inanité et d’obsession à décrire l’innommable. Nous nous permettrons d’ailleurs de ne pas citer le moindre extrait tant on se trouve sur un terrain véritablement pornographique (où la scatologie tient une place importante).

Pour des lecteurs du XXIe siècle baignés par la sous-culture pornographique qui s’affiche de toute part, Loüys est bien au-dessus des pires amateurs vidéos qui fleurissent sur Internet. Il y a chez lui une obsession du détail choquant, de la vulgarité et de la perversion. La femme est véritablement un exutoire sexuel pour l’homme vicieux et victime d’une libido insurmontable. La perversion sexuelle obéit tout simplement à la nature. D’ailleurs, elle n’est vue que sous cet angle : la femme prend son plaisir à partir de l'assouvissement de l'homme (sauf dans les cas d'unions lesbiennes !). Certes, il est plus délicat de lire cela que de le voir (l'intellect se mêlant au sensible et à l'imagination), mais le contenu reste le même. C'est ce qui déplait et place ces textes dans une sorte de sous-littérature.

Même si l’ironie ou le comique de certains textes (Manuel de Civilité pour petites filles) peuvent faire sourire tant Louÿs prend plaisir à créer le scandale, à jouer avec l’interdit, à montrer la nature telle qu’elle existe, à choquer les bien-pensants (il faut se rappeler l’importance des ''bonnes'' mœurs à l'époque), et l’on nage très vite dans l’obsession pathologique, la dépendance sexuelle et la jouissance maladive (en témoignent ses textes autobiographiques où il énumère les femmes conquises et la manière dont s’est passé l’acte charnel).

En dépit d’une analyse des mœurs féminines et de la psychologie des dames de petite vertu, on oscille entre plaisir de la forme poétique, voyeurisme du lecteur frustré et obscénité du discours pornographique (parfois peu crédible). Certes, Louÿs a connu les maisons closes et son expérience féminine dépasse de beaucoup celle, plus banale, de n’importe quel acteur porno ou célébrité rock actuels. Mais selon nous l’érotisme violent ne fait pas bon ménage avec la grande littérature (tout comme dans le cinéma d’ailleurs). Et cette Œuvre Érotique de Pierre Louÿs ne reflète en rien la puissance du génie (qui d’ailleurs s’est retiré du monde après ses frasques de jeunesse pour s’adonner à la réflexion et à l’érudition). Une curiosité un peu vaine donc et surtout très en-deçà du talent de son auteur.


Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 23/05/2012 )
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