L'actualité du livre Jeudi 2 mai 2024
  
 
     
Films  ->  

Pour vous abonner au Bulletin de Parutions.com inscrivez votre E-mail
Rechercher un réalisateur/acteur
A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z
Films  ->  Comédie  
Mariage chatoyant à la gitane
avec Emir Kusturica, Bajram Severdzan, Srdan Todorovic, Branka Katic
MK2 2007 /  24.99  € - 163.68 ffr.
Durée film 124 mn.
Classification : Tous publics

Sortie Cinéma, Pays : France, 1998
Sortie DVD : Septembre 2007
Titre original : Crna macka beli macor

Version : 2 DVD 9, Zone 2
Format vidéo : PAL, format d'origine respecté 1.85
Format image : Couleurs, 16/9 compatible 4/3
Format audio : International, Français, Anglais Dolby Digital 2.0
Sous-titres : Français, Français pour malentendants


DVD 1 :
- Film chapitré
- Bande annonce

DVD2 :
-Emir Kusturica, un tendre barbare (documentaire 50 mn)
- Un conte gitan (17 mn)
Deux rockers chez les gitans (17 mn)

Lion d’argent, Festival de Venise 1998

L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.

Imprimer


Les aficionados d'Emir Kusturica font souvent la fine bouche devant Chat noir Chat blanc, film réalisé en 1998, juste après Underground (1995). Mais il faut envisager une telle œuvre avec plus de recul et dire que le cinéaste a décidé de réaliser une comédie avec tout ce que comporte ce mot comme ambiguïté : traiter des sujets "sérieux" sous l'angle du comique, voire du grotesque et du bouffonesque, au lieu de faire "gravement sérieux", si l'on ose dire. D'autre part, il y a quelque chose que possède Chat noir Chat blanc, qui en fait sa grande qualité : il s'agit de sa vitalité, de sa force de vie (sans rien y retrancher) et de la jubilation que l'on peut éprouver à sa vision. Il faut ajouter qu'il ne s'agit nullement d'un éloge de la vie, débarrassé de sa dialectique. Sur ce point, la maestria d'Emir Kusturica est éblouissante (ce ne sera pas le cas par contre de La Vie est un miracle) et la façon qu'il a d'orchestrer un tel - osons le mot - bordel, est proprement phénoménale, quand elle ne tient pas du miracle.

Que nous raconte le film ? Matko le gitan (Bajram Severdzan) habite une pauvre cabane sur la rive du Danube. Il vit avec son fils Zare (Florijan Ajdini) de petits trafics. Un jour, il organise avec la complicité d'un chef de gare et de douaniers le vol d'un train d'essence. Le vieux parrain impotent Grga Pitic (Sabri Sulejman), ami de son père Zarije (Zabit Memedov), lui donne l'argent pour monter l'affaire. Matko obtient l'aide logistique du dangereux truand cocaïné Dadan (Srdjan Todorovic). Le jour venu, le gangster double Matko, puis lui réclame en compensation du bénéfice prétendument perdu que sa sœur naine Aphrodite (Salija Ibraimova) épouse Zare. Mais celui-ci n'a d'yeux que pour Ida (Branka Katic), petite-fille de Sujka (Ljubica Adzovic) qui tient un bar. Espérant empêcher ce mariage arrangé, Zarije meurt le jour de la cérémonie. Mais Dadan oblige Mitka à cacher le corps, et l'union est prononcée. Tandis que les invités s'amusent, Zare aide Aphrodite à fuir. Poursuivie par son frère et son beau-père, la jeune mariée rencontre le géant Grga Veliki (Jasar Destani), petit-fils de Pitic, et c'est le coup de foudre réciproque. Le vieux mafieux arrange les deux mariages (Aphrodite avec Grga et Ida avec Zare), et décède à son tour en pleines noces. Tous deux conservés au frais dans le grenier, Pitic et Zarije ressuscitent...

Chat noir Chat blanc joue, dès le titre, sur l'opposition des contraires, jongle avec la figure du double (deux mariages, deux oncles, deux gardes du corps, deux chats, deux univers, humain et animal, deux morts subites et deux renaissances, etc.) et lie d'une façon poétique l'absolue démesure et la concrétude de la réalité. Et toujours ce foutoir et ce bordel incommensurables, marque de fabrique du cinéaste, où se mêlent magie, réalisme et irréalisme, goût de la fête, humour dévastateur, bestiaire conséquent et ambiance gitane.

Cette folie se retrouve dans cette invention permanente d'images délirantes dont le film est parsemé. L'apparition du cocaïnomane Dadan dans sa limousine est savoureuse, l'homme se faisant une ligne de coke en faisant glisser le tiroir d'une croix en argent et se trémoussant sur une musique techno, ponctué d'un hilarant "Pitbull terrier" par deux Spice Girls, (on remarque que Emir Kusturica fait une attaque assassine contre ce que l'Occident produit de plus médiocre), ce même Dadan finissant dans la merde et se nettoyant avec une oie (référence à Rabelais ?). Grga Pitic avec ses dents en or dans sa pétrolette, la chanteuse qui retire un clou d'une poutre avec ses fesses, la Trabant (automobile fabriqué en Allemagne de l'Est ; il ne faut pas oublier la chute du mur de Berlin...) dévorée tout au long du film par une grosse truie, le rat qui tourne dans une roue faisant fonctionner un éventail... On pourrait poursuivre cette liste sans fin.

Les films d'Emir Kusturica forment certes un univers à lui tout seul mais un univers dont les ramifications sont multiples. Œuvre d'art qui se veut totale, Chat noir Chat blanc joue ainsi sur plusieurs tableaux. Ce foisonnement incessant, cette démesure permanente ne sont pas là comme simple decorum mais pour bien montrer la jubilation d'une réalité riche et multiple dans ses aspects aléatoires et contradictoires (l’amour par exemple d’Aphrodite la naine et du géant Grga) et qu'il n'est pas possible de tout simplifier en quelques clichés. Les références au cinéma se relèvent à foison : 2001, l'odyssée de l'espace (scène du bateau qui glisse sur le lac en pleine nuit sur Le Beau Danube bleu de Johann Strauss), le cinéaste russe Aleksandr Djovenko (scène dans le champ de tournesol), Casablanca dont l'oncle Grga Pitic se repasse sans cesse la fin, les cinéastes du burlesque (Charles Chaplin, Max Senett) et bien sûr Federico Fellini, cinéaste préféré de d'Emir Kusturica.

Par l'utilisation des courtes focales et des plans séquences, auxquels il faut ajouter un emploi de la profondeur de champ d’une grande virtuosité, Emir Kusturica parvient à créer une tension et une densité incroyables dans ses cadres en juxtaposant plusieurs situations qui se déroulent en même temps. On peut regarder à la loupe quelques-uns de ses plans et remarquer comment le cinéaste les remplit de divers éléments afin de créer un rythme proprement musical. Évoquons ici la musique de Vojislav Aralica, Dr. Nele Karajlic et Dejan Sparavaloest, à l'image du film, démesurée, chatoyante, fanfaronesque, multiple, qui donne une énergie bouillonnante et baroque à laisser le souffle court.

C'est dire qu'après un tel film, on a envie de danser et de boire toute la nuit... C'est elle d'ailleurs qui balaye le film tel un tourbillon et lui donne plus de folie. Folie comme la Joie et la jubilation de vivre...


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 28/09/2007 )
Imprimer

A lire également sur parutions.com:
  • Underground
       de Emir Kusturica
  • Le Temps des Gitans
       de Emir Kusturica
  • Arizona Dream
       de Emir Kusturica
  •  
    SOMMAIRE  /  ARCHIVES  /  PLAN DU SITE  /  NOUS ÉCRIRE  

     
      Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
    Site réalisé en 2001 par Afiny
     
    livre dvd