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Nouvelle vague nipponne
avec Nagisa  Oshima, Hiroshi  Fujikawa, Yuki  Tominaga, Miyuki Kuwano, Yoshiko Kuga, Isao  Sasaki
Carlotta Films 2008 /  49.99   € - 327.43 ffr.
Durée film 360 mn.
Classification : Tous publics

Sortie cinéma, Pays : 1959-1960, Japon
Titre original : Ai to kibo no machi, Seishun zankoku monogatari, Taiyo no hakaba

Version : 3 DVD 9/Zone 2
Format vidéo : 16/9 compatible 4/3
Format image : 2.35 (noir & blanc et couleurs)
Format audio : Japonais (Dolby Digital 2.0 mono)
Sous-titres : Français

DVD 1
- Une Ville d'amour et d'espoir (62 mn)
- Les Soleils de demain (1959 - 6 mn)
- 100 ans de cinéma japonais (1994 - couleurs et N&B - 52 mn) un documentaire de Nagisa Oshima

DVD 2
- Contes cruels de la jeunesse (87 mn)
- Le Japon sous tension (25 mn) de Donald Richie
- Extraits des carnets de notes dÂ’Oshima (11 mn)

DVD 3
- L'Enterrement du soleil (87mn)
- La Révolte Nagisa Oshima (25 mn)

Un livret inédit de 68 Pages recueil d’articles autour du cinéaste

L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.

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À la suite des coffrets sur les cinéastes Yasujirô Ozu puis Kenji Mizoguchi, Carlotta a entrepris d'éditer avec toujours un certain luxe et une pléthore de suppléments les cinéastes de la Nouvelle Vague japonaise. Ce fut d'abord le beau coffret de Hiroshi Teshigahara (le meilleur sans doute) avec son chef d'œuvre La Femme des sables, puis deux coffrets et le DVD de Eros +Massacre de Kijû Yoshida. Voici maintenant le cinéaste sulfureux Nagisa Oshima, surtout connu pour son film - fort surestimé - L'Empire des sens (1976). Avant de tomber dans la facilité et le mauvais goût, notamment avec Max mon amour (1986), le cinéaste avait commencé sa carrière, fort abondante au demeurant, avec d'autres films dont on parle assez peu. Carlotta épare donc ce petit oubli avec une édition une fois encore fort réussie.

Né en 1932 à Kyōto au Japon, orphelin de père à l'âge de six ans, Nagisa Oshima passe sa jeunesse aux côtés de sa mère et de sa sÂœur cadette. Dans sa jeunesse, il déteste sa ville natale qu'il juge conservatrice. Après des études de droit, il se lance dans le cinéma. Il entre aux studios Shochiku. Il y devient assistant réalisateur, notamment avec Yoshitaro Nomura et Masaki Kobayashi jusqu'en 1959, et signe un premier film, Une Ville d'amour et d'espoir. Il réalise ensuite Contes cruels de la jeunesse, film qui le désigne comme l'un des chefs de file de la "nouvelle vague" de la Shochiku, avec Yoshida et Shinoda. Son film suivant, Nuit et brouillard du Japon (1960), un hommage au film d'Alain Resnais, traitant d'un sujet politique brûlant, cause un grand scandale. En 1965, Oshima crée sa propre compagnie indépendante, la Sozo-Sha, avec l'aide de sa femme, l'actrice Akiko Koyoma. Il tourne plusieurs films, plus ou moins "scandaleux", qui s'attaquent à divers tabous du Japon moderne, en particulier le sexe et le crime : Les Plaisirs de la chair, La Pendaison, Il est mort après la guerre, La Cérémonie, Une Petite Soeur pour l'été... C'est avec la collaboration d'un producteur français, Anatole Dauman, qu'Oshima peut tourner son plus grand succès, L'Empire des sens (1976).

Au début de sa carrière, Nagisa Oshima est plus politique et plus mouvementé. À voir ses premiers films, on comprend très vite pourquoi il n'aimait pas le cinéma de Yasujirô Ozu. Ce dernier se penchait plus sur les individus en faisant abstraction de leur condition sociale pour s'attacher à leur condition existentielle et humaine (rapports de famille, solitude, mort approchante, etc.). On voit très bien que les enfants des films d'Ozu se révoltent âprement et veulent casser les traditions. Mais vainement, comme on va le voir.

Une ville d'amour et d'espoir est donc le premier film de Nagisa Oshima. D'une durée fort courte (une heure), il est bien dans la veine sociale typique de cette époque agitée. Le père du jeune étudiant Masao vient de mourir, sa mère est malade et sa petite sœur, handicapée, passe ses journées à jouer ou dessiner des animaux morts… Seul capable de subvenir aux besoins de sa famille, Masao vend des pigeons et rencontre à cette occasion Kyoko, une jeune fille riche.

Le scénario est à lui seul très évocateur et assez typique de ces années soixante. Comme la société de production, la Shochiku, voulait ramener le public dans les salles de cinéma en faisant des films sur les jeunes et par de jeunes cinéastes, Nagisa Oshima s'inscrivit dans une critique radicale de la société de l'époque. Dans un noir et blanc contrasté, le cinéaste opte pour un style assez sobre mais tout de même tranchant. Cette optique perd de sa force quand Oshima, formé à l'université de Kyoto, réputée à gauche, condamne et accuse la société d'être responsable des maux de cette époque, comme si les individus n'avaient pas tout de même leur part de responsabilités. C'est le talon d'Achille de cette critique sociale qui pense ainsi changer l'économique et le social pour changer de vie.

Le film a du mal à trouver une voie cohérente et hésite entre plusieurs pistes, si l'on ajoute un certain manichéisme dans la vision globale. Plutôt bien réalisé, Une ville d'amour et d'espoir décrit cependant avec justesse l'ennui, la misère de certains quartiers, le style de vie morne qui chapeaute la société. Une première œuvre en tout cas contrastée et naïve mais réalisée avec un certaine talent même si le rythme du film pâtit d’une structure narrative trop peu resserrée.

Dans le documentaire, instructif, intitulé 100 ans de cinéma japonais, Nagisa Oshima évoque les différents âges d'or du cinéma nippon, notamment la période muette avec Le Journal de voyage de Chuji (Daisuke Ito, 1927) et Gosses de Tokyo (Yazujiro Ozu, 1932), les films sociaux avec la création de L'Association des cinéastes en 1937 juste après le coup d'état avorté des militaires, puis bien sûr la Nouvelle Vague japonaise jusqu'aux films de Kitano.

Contes cruels de la jeunesse est le second film du cinéaste, et sans doute le meilleur et le plus intéressant. Le style devient plus tranchant encore, plus bruyant, plus heurté et plus dissonant. Le cinéaste parvient à mieux cerner ses personnages et à leur donner une stature moins anecdotique. Le scénario est déjà plus construit et plus profond.

Makoto Shinjo, une adolescente un peu perdue et à la recherche d'expériences nouvelles, accepte d'aller faire des "petits tours" avec des inconnus en voiture. Un jour, au moment où elle va être forcée par un automobiliste d'aller à l'hôtel, elle est sauvée au dernier moment par Kiyoshi Fujii, un étudiant, qui extorque 5 000 yens à l'homme en échange de son silence. Du coup, Makoto le revoit, et ils partent se promener près de la rivière Sumida, où flottent des troncs d'arbres : n'écoutant que son désir, Kiyoshi abuse d'elle. Makoto décide de quitter ses parents et d'aller vivre avec lui. Les deux jeunes gens imaginent un plan pour extorquer de l'argent aux automobilistes qui prennent Makoto à bord. Ce plan fonctionne bien, jusqu'au jour où un automobiliste les dénonce à la police. Makoto se retrouve enceinte.

Nagisa Oshima montre bien que cette jeunesse en rébellion contre l'ordre établi, sans repères stables, se perd dans une anarchie sexuelle alors populaire. Encore de nos jours, même si le style heurtée du cinéaste a perdu de sa superbe, notamment par l'utilisation d'une musique outrancière par moments et d'un montage un peu trop abrupt, le film cerne avec justesse l'atomisation de la société nipponne de l'époque, atomisation qui n'a fait que se renforcer de nos jours d'une façon tragique. L'effondrement de la morale établie ne donne pas des individus parvenant à s'en sortir ou à s'émanciper par eux-mêmes, et si la société est moins "rigide" alors en matière de morale, le sexe, entre autres choses, devient une pure marchandise.

En outre, les personnages, surtout celui de Kiyoshi, ne sont pas montrés dans leur splendeur. Égoïsme, machisme, sadisme etc., Nagisa Oshima ne se prive pas de dresser un portrait au vitriol, même si, là encore, la société est exagérément montrée comme responsable. La scène où Kiyoshi abuse de Makoto Shinjo en plein soleil, sur des troncs d’arbres flottants, est fort réussie par la tension qu'elle instaure (notamment grâce à un plan séquence) en montrant la cruauté animale entre les amants. Telles des boules de billard, livrés à eux-mêmes, les personnages ne vivent pas grand chose en définitive : ils se heurtent sans arrêt, deviennent violents, veulent "tout, tout de suite", deviennent de vrais voyous et ne font que renforcer leur misère psychologique et morale. Néanmoins, et peut-être à l'insu du cinéaste, Contes cruels de la jeunesse devine qu'il n'y a pas vraiment de solutions sociales adéquates. Y-a-t-il une société réellement juste à atteindre ? Voici, un film à revoir pour sa vision réaliste qui, plus de quarante ans après, n'a pas perdu de son acuité, même si le style du cinéaste est trop outrancier.

Le reportage Le Japon sous tension, dans les suppléments, intéressant dans la façon dont Donald Richie retrace le style et la carrière de Nagisa Oshima. Influencé par les films noirs, avec leurs gros plans, Nagisa Oshima a plus emprunté son style à Nicholas Ray qu'à de grands maîtres japonais comme Mizoguchi et Ozu. Il s’inspire de Masumura, Godard et Resnais pour le montage serré, les panoramiques rapides, les avancées brusques et les sauts dans la narration, les sons bruyants et stridents. Extraits des carnets de notes d’Oshima indique la façon dont le cinéaste travaille ses sujets.

Enfin, L'Enterrement du soleil, troisième film du cinéaste, est le moins réussi. L'action de ce nouveau film social se situe dans le bidonville de Kamagasaki, près d'Osaka. Hanako s'occupe de postes médicaux clandestins où les chômeurs et prolétaires peuvent se procurer certains médicaments ou drogues en donnant un peu de leur sang. Son père, Yosematsu est le chef d'une bande de voleurs, et se prépare à la remilitarisation du Japon, qui doit se venger de sa défaite. Le maître des lieux est le jeune Shin, chef du clan Shinekai. Dans cette bande arrive une nouvelle recrue, Takeshi, dont Hanako tombe plus ou moins amoureuse. Mais celui-ci est poursuivi et abattu par Shin...

Avec ce film, sans doute porté par sa jeunesse et sa fougue, Nagisa Oshima se fait volontiers plus politique mais plus caricatural aussi. Il s'insère un peu plus dans une tendance très sociale où les scènes sont tendues, extrêmes, stridentes, contrastées. Montage heurté, musique insistante, caméra nerveuse usent, à vrai dire, les nerfs du spectateur. Tout paraît outré, et aussi, hélas, superficiel et artificiel. Le scénario est trop dispersé, ne s'intéresse pas à un personnage précis et avec suffisamment de profondeur pour susciter l'intérêt du spectateur. En fait, il manque de perspective et d’un certain détachement car en décrivant ces bas-fonds, il manque de l'épure qui caractérisait un film comme Los Olvidados de Buñuel (1950).

D'une certaine manière, Nagisa Oshima assène brutalement son propos au lieu de nous faire comprendre simplement ce qui se passe. Cette fois-ci, à la différence de Contes cruels de la jeunesse personnages apparaissent au second plan, illustrant plus des idées acerbes (et fort politiques) à défaut de nous proposer de saisir l’existence de ces personnages.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 03/07/2008 )
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       de Nagisa Oshima
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