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Sous le Shohei de Satan avec Shohei Imamura, Ken Ogata, Shigeru Izumiya, Kaori Momoi MK2 2005 / 29.97 € - 196.3 ffr. Durée film 257 mn. Classification : Tous publics | Version : 3 DVD 9 + 1 DVD 5/Zone 2
Format vidéo : 4/3
Format image : 1.33 (couleurs)
Format audio : Japonais (Mono)
Sous-titres : Français
Double DVD 1
DVD 1 : La vengeance est à moi
Prix du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur scénario par LAcadémie Japonaise du Cinéma
Avec : Ken Ogata, Mayumi Ogawa, Mitsuko Baisho, Rentaro Mikuni
Titre original : Fukushu suru wa ware ni ari
Sortie Cinéma, Pays : 1979, Japon
Durée du film : 140 mn
Public : interdit au moins de 12 ans
Genre : policier
Préface de Charles Tesson
DVD 2 : Bonus
Scènes commentées par Charles Tesson (46 mn)
En quête dun personnage, entretien avec le réalisateur Cédric Kahn (11 mn)
8 bandes annonces de la Collection Asie de Mk2 (11 mn)
Double DVD 2
DVD 1 : Eijanaïka
Avec : Shigeru Izumiya, Kaori Momoi, Ken Ogata, Shigeru Tsuyuguchi
Titre original : Eijanaïka
Sortie Cinéma, Pays : 1981, Japon
Durée du film : 151 mn
Public : tous publics
Genre : historique
Préface de Charles Tesson
DVD 2 : Bonus
Scènes commentées par Charles Tesson (31 mn)
Entretien avec lhistorien du cinéma, Hubert Niogret (22 mn)
8 bandes annonces de la Collection Asie de Mk2 (11 mn)
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4 janvier 1964 : encadré par des policiers sur la banquette arrière de lune des voitures dun long cortège qui serpente une route de montage, est assis Iwao Enokizu (Ken Ogata). La Vengeance est à moi commence par larrestation de ce dangereux criminel et décrit par de fréquents retours en arrière, ainsi que des scènes dinterrogatoire, son sanglant parcours.
Inspiré dun fait divers qui a défrayé la chronique judiciaire au Japon, le film sappuie sur le livre best-seller au titre éponyme de Ryuko Saki et marque le retour à la fiction, après quelques documentaires tournés pour la télévision, de Shohei Imamura. Le cinéaste expose les faits comme s'il sagissait dun documentaire en mentionnant, à laide dinscriptions au bas de lécran, les noms des victimes, lheure et les causes du décès ainsi que les lieux des crimes. Ces événements se sont déroulés entre 1963 et 1964, alors que Shohei Imamura tournait respectivement La Femme insecte et LAppel au meurtre, deux longs métrages qui exploraient le thème similaire de la libération des instincts et de lanimalité refoulées.
La Vengeance est à moi nest cependant pas un film de genre classique car le cinéaste sattache plus à suivre le périple de lassassin et à dresser son profil psychologique quà suivre lenquête menée à travers tout le Japon par la police. Il savère différent en cela de Roberto Succo (2001) de Cédric Khan (dont lentretien figure dans le bonus) qui établissait un parallèle entre le cheminement dun assassin et sa traque par un gendarme. Le film dImamura se recentre, lui, sur ce meurtrier atypique qui bénéficie de linterprétation nuancé de Ken Ogata (1). Il joue sur lambiguïté et la complexité du personnage principal qui, vivant de menus larcins et descroqueries minables, se montre à la fois violent, insensible, impulsif, mythomane, manipulateur, sans foi ni morale, mais aussi parfois sympathique, espiègle et altruiste, notamment dans les relations quil noue avec la tenancière dune auberge et sa mère.
Létude de ce psychopathe, sans suspense inhérent au genre ni esthétisation des crimes sordides commis sans réel mobile, apparaît en fait comme une parabole en offrant une vision particulièrement juste et cruelle dune société japonaise inhibée. Celle-ci, enchaînée dans des croyances, quelles soient shintoïstes ou catholiques, réagit par rapport au groupe et ne tolère pas lexpression des désirs de chaque individu. «Je veux voir lâme de lhomme contemporain, confie Imamura,démuni de tout soutien vers lequel se tourner. Par la description du crime et de tout ce qui sy rapproche, jai voulu déterrer les racines de la souffrance dun homme plongé au cur de notre époque.» Iwao Enokizu est né dans une famille dont les principes chrétiens réfrènent toutes pulsions et le metteur en scène laisse entrevoir les raisons de ses actes, sans toutefois les justifier. Il donne ainsi des pistes comme, lorsque enfant, Iwao assiste à lhumiliation de son père qui na pas résisté à des soldats venus en 1938 réquisitionner les bateaux de pêcheurs du village.
Dès lors, en permanence en révolte contre sa famille et lautorité, ladolescent fréquente des maisons de correction puis devient traducteur auprès de larmée américaine doccupation. Le film reflète les angoisses et les traumatismes de laprès Seconde Guerre mondiale jusquau années 1960, dus au malaise dune nation qui a vu ses structures sociales ainsi que ses valeurs traditionnelles bouleversées par un développement économique et une ouverture accrue sur le monde extérieur. Avec un certain humour noir, sans moralisme ni sentimentalisme, Shohei Imamura dépeint cette société susceptible dengendrer des monstres et repense la modernité du Japon en la baignant dans un climat érotique, réaliste, cru et amoral. Il décrit les meurtres, perpétrés sans remords ni jubilation par un assassin qui attend sa propre mort avec la même indifférence, en se rapprochant de la conception organique de David Cronenberg, de Nagisa Oshima ou de Hiroshi Teshigahara dont les uvres lient pareillement sexe, violence et mort.
A linstar de nombreux films de Shohei Imamura, La Vengeance est à moi revisite lhistoire à travers le destin dun personnage en marge. Dans LHistoire du Japon racontée par une hôtesse de bar (1970), le réalisateur dresse une caricature acerbe de la société japonaise et de son ascension après la guerre, à travers les souvenirs dune gérante de bar, ancienne prostituée auprès des marins de la base américaine. Eijanaika apparaît comme un autre exemple de contre-histoire dun Japon vu d'en-bas. Le cinéaste se place du côté des faibles et des opprimés pour décrire une période charnière située à la fin du shogunat avant la restauration de lère Meiji. Eté 1866, après un séjour de six ans aux Etats-Unis, lex-naufragé, Genji (Shigeru Izumiya), débarque à Yokohama à la recherche de sa femme, Ine (Kaori Momoi). Il apprend que celle-ci a été vendue par sa miséreuse famille à un réseau de prostitution, et la retrouve dans le quartier des plaisirs dEdo.
Eijanaika invite à une redécouverte dun Japon négligé par le cinéma, dune certaine liberté sexuelle, ainsi que de la force, du courage et de la morgue des femmes qui doivent survivre dans un monde machiste : «Jai peut-être vendu mon corps, réplique Ine, mais je nai pas vendu mon cur.» Shohei Imamura ne porte pas un regard de commisération à légard des couches populaires, mais au contraire se montre plein de tendresse envers ceux qui vivent en dehors des conventions sociales. Influencé par Yuzo Kawashima, auteur de films réalistes et satiriques, Shohei Imamura affirme son orientation dès les années 1960 : «je veux marier de toutes mes forces ces deux problèmes : la partie inférieure du corps humain et la partie inférieure de la structure sociale sur laquelle sappuie obstinément la réalité quotidienne japonaise.» (2)
Dans les années 1980, alors que le cinéma japonais porte un nouveau regard sur le genre historique (Jidai-geki), Shohei Imamura réalise cette fresque haute en couleurs, qui dépeint la période de transition entre lère Edo et lère Meiji. Les partisans de la réforme, composée de la guilde des commerçants appuyée des anglais et des américains, souhaitent ouvrir le Japon au commerce international et tentent de récupérer un mouvement populaire afin de renverser le shogunat. Sous le slogan rassembleur de Eijanaika (Pourquoi pas), les paysans et des indigents du quartier des «réjouissances» manifestent contre laugmentation du prix du riz avec une truculence et une irrévérence évoquant la littérature paillarde du Moyen Âge à limage du recueil de Boccace, Le Décameron. Le cinéaste a parfaitement su exploiter la spontanéité et le naturel de son équipe en ne donnant dindications ni aux comédiens ni aux techniciens.
Le film marque une opposition entre la campagne et limpureté de la ville : «Pour un japonais, explique le cinéaste, tout part de la terre. La civilisation urbaine a tout corrompu.» Dans la scène dintroduction et la scène finale, cet attachement est symbolisé par la manière dont Genji puis Ine sont pareillement couchés sur le sol face contre terre. Cependant, Genji, conquis par les idées progressistes et le rêve américain, souhaite redevenir paysan mais réalise limpossible retour à la terre dans un pays à lorganisation encore moyen-âgeuse. Les fréquentes ruptures de ton, oscillant entre la comédie et la tragédie, sont un juste reflet de la condition humaine pour parler, comme le précise le cinéaste, de la cruelle «image de lêtre humain de notre époque où lindividu nest que la pièce dun engrenage dune société déshumanisée.» Shohei Imamura aborde également loccidentalisation du Japon, de manière humoristique, lorsque Gengi est traité de son of a bitch par la police du Shogun qui le pense chrétien (le catholicisme étant encore à lépoque une religion persécutée), ou historique, lorsquil devient linterprète du caïd local auprès des étrangers installés à Yokohama.
Le succès de La Vengeance est à moi au Japon permit de faire connaître son auteur à létranger et de financer limportant budget de ce projet qui lui tenait à cur depuis les années 1960 et qui était à lorigine une comédie musicale. Ce film très lumineux, agrémenté de chants et de danses (dont une adaptation très libre du french cancan par Ine et ses amies), accorde un soin particulier aux couleurs, dans la lignée de Vincente Minnelli, entre autres lors des joyeuses contestations pacifiques menées par des trublions de carnaval. Les magnifiques paysages de bord de mer ou de rivières, avec des cerisiers en fleurs et lharmonie des couleurs dominantes tels que le bleu de la mer et le rouge, comme le sang de lennemi avec lequel Itoman teint sa voile de bateau, évoquent les motifs des estampes. Certains cadrages sinspirent également des compositions dAndô Hiroshige comme celui du cadre dans le cadre par lequel apparaît un pont par la fenêtre entrouverte. Le pont Ryogokubashi («le pont des deux provinces») figure dans certaines uvres des Cent vues dEdo de lartiste. Le cinéaste sest en effet inspiré de liconographie de cette série destampes notamment dans deux scènes : lorsquil reprend la vue en plongée du pont après la répression sanglante de lémeute populaire et lorsque des feux dartifices (hanabi) sont tirés près de celui-ci.
Les suppléments se révèlent être une nouvelle fois décevants. Il est, en effet, inutile de consacrer deux DVD aux bonus pour noffrir essentiellement que des commentaires de critiques de cinéma et aucune interview du cinéaste, ni de spécialistes pertinents, ni de documents darchives. Restent ces deux uvres incontournables, que Mk2 a eu la judicieuse initiative de réunir en coffret, dun cinéaste à la filmographie déroutante, malheureusement assez méconnu en France malgré ses deux palmes dor à Cannes (3).
(1) Outre La Vengeance est à moi et Eijanaika, Ken Ogata a joué dans de nombreux films de Shohei Imamura dont Le Pornographe (1966), La Ballade de Narayama (1983) et Zegen (1987).
(2) Extrait de lentretien de Shohei Imamura accordé à Koishi Yamada, dans le dossier Imamura des Cahiers du cinéma, n°166/167, mai-juin 1965.
(3) Shohei Imamura a été récompensé par deux palmes dor à Cannes pour La Ballade de Narayama (1983) et LAnguille (1997).
Corinne Garnier ( Mis en ligne le 17/01/2006 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Pluie noire de Shohei Imamura De l’eau tiède sous un pont rouge de Shohei Imamura | |
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