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Le Coup de l'escalier
avec Alfred Hitchcock
TF1 Vidéo 2005 /  34.99  € - 229.18 ffr.
Classification : Tous publics

Ce coffret comprend trois autres films de la période anglaise d’Alfred Hitchcock : Quatre de l’espionnage, Agent secret et Jeune et innocent.

Version : DVD 9/Zone 2
Format vidéo : 4/3
Format image : 1.33
Format audio : Anglais (Mono), Français (Dolby digital 5.1)
Sous-titres : Français

Les 39 marches
Avec : Robert Donat, Madeleine Carroll, Godfrey Tearle
Durée du film : 83 mn
Sortie cinéma, pays : 1935, Grande-Bretagne
Titre original : The Thirty-Nine Steps
Bonus :
Le documentaire, The early years, sur la période anglaise d’Hitchcock (24 mn)
Une analyse du film par les cinéastes Claude Chabrol et Dominik Moll (46 mn)
Liens internet

Une femme disparaît
Avec : Michael Redgrave, Margaret Lockwood, Dame Mary Whitty, Paul Lukas
Durée du film : 92 mn
Sortie cinéma, pays : 1938, Grande-Bretagne
Titre original : The Lady Vanishes
Bonus :
Le documentaire, The early years, sur la période anglaise d’Hitchcock (24 mn)
Une analyse du film par les cinéastes Claude Chabrol et Dominik Moll (46 mn)
Liens internet

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Dans les années 1930, à l’avènement du parlant et en réaction à l’emprise de Hollywood, le cinéma anglais réfléchit à un style de films susceptible de plaire Outre-Atlantique. La réalisation de comédies typiquement anglaises, de films de prestige et de documentaires constituèrent le fer de lance de cette politique offensive qui se doubla d’une mesure protectionniste prise dès 1927 par le gouvernement britannique, le « Cinematograph Films Act ». Ces mesures, cependant, favorisèrent plutôt la multiplication de petits films bâclés et n’empêchèrent pas la fuite des talents vers les Etats-Unis. Durant ces années, Hitchcock tourna une vingtaine de films, dont Les 39 marches et Une femme disparaît, réunis sous l’appellation « période anglaise » en distinction de la « période américaine » du cinéaste.

Auréolé d’une reconnaissance internationale, Les 39 marches, attira l’intérêt de plusieurs producteurs hollywoodiens. L’adaptation très libre de l’œuvre littéraire (1) de John Buchan, auteur dont il s’inspira également pour les deux versions de L’homme qui en savait trop, se justifie pour Hitchcock. En effet, bien qu’il apprécie le roman, il ne le considère pas pour autant comme un bon matériau cinématographique : « Ce qui me plaît chez Buchan, confie le cinéaste, c’est quelque chose de profondément britannique que nous appelons understatement. »

Le réalisateur, maniant avec brio l’art de la litote, débute son film par une scène de music hall au cours de laquelle éclate une bagarre. Profitant de la confusion générale, une aventurière se sentant en danger implore un canadien vivant à Londres, Richard Hannay (Robert Donat), de l’accueillir chez lui. La mystérieuse inconnue lui révèle qu’elle travaille pour les services secrets britanniques, et qu’elle est poursuivie par une organisation secrète, « Les 39 marches ». Le soir même, l’espionne est abattue au domicile de Hannay, et meurt après lui avoir remis une carte d’Ecosse où figure un lieu de rendez-vous. Poursuivi par la police, qui le prend pour un meurtrier, et les criminels, qui veulent éliminer ce témoin gênant, il n’a d’autre choix que de partir pour l’Ecosse afin de démasquer les vrais coupables. Le héros se retrouve amené, bien malgré lui, à jouer le justicier au cœur des highlands (2), lorsque son chemin croise celui de Pamela (Madeleine Carroll), une jeune femme qui refuse tout d’abord de croire à son innocence.

Le traitement léger et humoristique renouvelle le film d’espionnage et relègue l’intrigue au second plan. Hitchcock, qui utilise l’expression de « Mac Guffin » pour définir cet artifice, élabore ce concept dans les années 1930. Ce mystère autour duquel se construit toute l’histoire sans jamais être élucidé est ici une formule scientifique. Le frisson et le suspense intéressent plus le cinéaste que la solution de l’énigme, il se détourne ainsi de l’intrigue initiale pour s’attacher à la mise en scène et aux caractères des personnages, même secondaires. Le cinéaste trace en quelques traits leurs vies, et traduit promptement leurs émotions par le jeu des regards, la gestuelle et l’expression des visages. Le découpage, et non le montage comme D.W. Griffith, sert également la tension dramatique et le dynamisme en privilégiant le champ-contrechamp.

L’art de l’ellipse et du factice, caractéristique de l’univers du cinéaste, s’affirme dans Les 39 marches. Les paysages urbains et la brumeuse lande écossaise, reconstitués en décors de studio, se prêtent à l’invraisemblance des situations et participent à l’atmosphère d’étrangeté. La vraisemblance est sacrifiée au profit du rythme et des relations entre les personnages. Les trois scènes, se déroulant dans des salles de spectacles, établissent un lien entre réel et factice. Mister Memory exécute son numéro dans un music hall lors de la première et dernière scènes du film, tandis que Hannay improvise un discours politique à la moitié du film. Ces séquences, agencées de manière symétrique, suggèrent malicieusement que la politique et la vie se résument à un spectacle Le film allie le charme et l’efficacité à une vision ironique, et assez féroce, du monde où la frontière entre le bien et le mal s’avère fluctuante.

Le rôle interprété par Robert Donat (acteur à allure très british) préfigure le héros hitchcockien, innocent accusé à tort qui voit le danger surgir de manière impromptue dans sa paisible vie. La « Hitchcock’s touch » s’exprime aussi dans la connivence du couple qui paraît en parallèle vivre une histoire extérieure aux dangers qui se trament autour de lui. Leur relation se teinte d’humour et de sensualité, notamment lorsque Pamela menottée à son compagnon d’infortune ôte ses bas, mais la tension érotique est cependant désamorcée par l’incongruité de la situation. Le duo formé par Robert Donat et Madeleine Carroll (également actrice dans son film suivant, Quatre de l’espionnage) fonctionne à merveille, rappelant ceux des comédies de Howard Hawks ou de George Cukor.

Ces éléments annoncent un autre de ses chefs-d’œuvre de la période américaine, La mort aux trousses. Les deux films sont menés à une cadence rapide embarquant le spectateur dans la cavale du héros. Hitchcock enchaîne les plans et les idées sans s’y appesantir, la vitesse d’exécution, ainsi que l’élégance stylisée, aboutissent à un tempo parfait. La scène des 39 marches, où le cri d’une femme est remplacé le sifflement d’un train surgissant d’un tunnel dans l’image suivante, fait écho à celles du train s’enfonçant dans un tunnel, symbole sexuel évocateur, dans La mort aux trousses. Les scènes dans des trains sont d’ailleurs très présentes dans l’œuvre du cinéaste, et particulièrement dans Une femme disparaît, adaptation du roman On ne meurt que deux fois d’Ethel Lina White, (3), dont l’essentiel de l’action se passe à bord d’un express qui traverse l’Europe centrale.

Dans une auberge d’un pays imaginaire des Balkans, Bandrika, les voyageurs attendent le prochain train pour Londres. Parmi eux, quelques anglais offrent un échantillon représentatif des archétypes nationaux : deux passionnés de cricket, un avocat et sa maîtresse, Miss Froy (une charmante et apparemment inoffensive lady), Gilbert Redman (un ethno-musicologue interprété par Michael Redgrave) et une jeune fille de bonne famille, Iris Henderson. Lorsque Miss Froy (Dame Mary Whitty) disparaît à bord du train, seule Iris (Margaret Lockwood) s’inquiète de cette mystérieuse évaporation. Partie à sa recherche, elle se heurte à une machination machiavélique, mais parvient tout de même à convaincre Gilbert à l’épauler dans son enquête.

Moins rigoureux, haletant et rythmé que Les 39 marches, dont le héros solitaire s’oppose à une organisation secrète qui menace la paix mondiale, les allusions politiques y sont en revanche plus appuyées. L’un des intérêts d’Une femme disparaît, sorti en 1938, tient en partie par le reflet qu’il offre du contexte international où l’immanence de la Seconde Guerre mondiale se profile. L’engagement d’Hitchcock point à travers les diverses réactions des personnages. Il dénonce la tentation pacifique et les dangers d’une politique non interventionniste, tandis qu’il exalte les valeurs patriotiques s’opposant aux puissances bellicistes.

Malgré son sujet en lien avec les événements contemporains, cette comédie policière sur fond d’espionnage est traitée sur un mode léger, décalé et humoristique. Les conspirateurs qui fomentent le complot ont des mines patibulaires à l’instar de leur chef (Paul Lukas) (4). Cet acteur hongrois, que l’accent de l’Est prédispose à endosser des rôles d’espions, de traîtres ou de nazis, interprète toutefois un méchant assez caricatural. Or, si l’on applique les critères du cinéaste, « plus le méchant est réussi plus le film est bon », le film n’est pas complètement réussi.

Le jeu outrancier des acteurs s’accorde par contre bien à sa vision du monde, où le réel côtoie le factice, et le semblable, l’improbable. Depuis les entretiens d’Alfred Hitchcock avec François Truffaut (5), on sait que le cinéaste britannique méprise la vraisemblance. L’espionne est ici une aimable vieille dame qui doit transmettre un message secret, sous forme de sérénade folklorique, au Foreign office. Le tournage en studio contribue lui aussi au maniérisme avec l’utilisation de transparences, de grossières maquettes servant une mise en scène inventive où une débauche d’astuces exploite les contraintes de l’espace clos.

Hitchcock réalisa à la suite La Taverne de la Jamaïque (1939), adapté de l’œuvre de Daphné du Maurier, avant son départ pour les Etats-Unis où David O. Selznick lui confia la mise en scène de Rebecca (1940). L’atmosphère de ce film, inspiré d’un ouvrage du même auteur, demeure encore très anglaise, grâce, entre autres, aux choix des comédiens. Cet exil volontaire à la veille de la guerre sera considéré par certains comme une désertion, ce que le cinéaste tentera de faire démentir en réalisant des œuvres de propagande tels que Lifeboat (1944). Cependant, ce n’est qu’en 1972, que le cinéaste renouera totalement avec son pays natal en tournant à Londres son pénultième film, Frenzy.

Les suppléments des cinq films du coffret proposent un documentaire assez conventionnel, The early years, dont on apprend peu de chose sur la période anglaise du cinéaste. Les personnes interviewées se contentent de livrer quelques détails sur le caractère facétieux, et limite pervers, de Hitchcock (notamment lorsqu’il persuade Richard Donat qu’il a égaré les clés des menottes), ainsi que des anecdotes de tournage. Suivent des entretiens avec deux cinéastes, auteurs également de films à suspense, Dominik Moll et Claude Chabrol. Ce dernier, qui a connu Hitchcock, évoque avec son talent de conteur leur première rencontre et la manière dont des rédacteurs aux Cahiers du cinéma (6), tels que Rivette, Rohmer (7) et Truffaut, ont défendu ses films alors que la critique américaine le considérait comme un réalisateur de série B.


(1) Le roman, Les 39 marches de John Buchan, a été également adapté au cinéma par Raph Thomas en 1959, puis par Don Sharp en 1978.
(2) La bande dessinée, L’Affaire Francis Blake, une aventure de Blake et Mortimer signée Ted benoit et Jean Van Hamme, fait très largement référence au film de Hitchcock, éditions Dargaud, 1996.
(3) Anthony Page, en 1979, réalise une adaptation de cette même œuvre littéraire, tandis que
Night train to Munich (1940) de Carol Reed s’inspire d’Une femme disparaît.
(4) Paul Lukas a tourné dans Berlin express (1949) de Jacques Tourneur. Film où, à l’instar de celui de Hitchcock, un enlèvement survient lors d’un voyage en train.
(5) Hitchcock, livre d’entretiens avec François Truffaut, éditions Ramsay, 1967.
(6) Alfred Hitchcock, Cahiers du cinéma, n° 39, octobre 1954.
(7) Hitchcock, premier livre français consacré au cinéaste écrit par Eric Rohmer et Claude Chabrol, éditions universitaires, 1957 (épuisé).


Corinne Garnier
( Mis en ligne le 11/07/2005 )
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