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Films  ->  Policiers / Thrillers  
C'est pas du gâteau !
avec Fritz Lang, Ray Milland , Marjorie  Reynolds, Carl Esmond
Carlotta Films 2007 /  19.99  € - 130.93 ffr.
Durée film 83 mn.
Classification : Tous publics

Sortie Cinéma : 1944, USA
Titre original : Ministry of Fear

Version : 1 DVD 9/Zone 2
Format vidéo : 4/3
Format image : 1.33 (noir et blanc)
Format audio : Anglais (Dolby digital 1.0)
Sous-titres : Français

Bonus :
- Analyse du film par Jean Douchet
- Bande annonce

L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.

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Réalisé en 1944, entre Les Bourreaux meurent aussi (1943) et La Femme au portrait (1944), Espions sur la tamise est l'un des plus étranges et des plus curieux films de Fritz Lang (1890-1976), même s'il n'est pas l'une de ses oeuvres majeures.

Voyons plutôt : interné dans un asile, Stephen Neale (Ray Milland) est rendu à la vie civile et tombe sur une fête organisée par l’association des « Mères des Nations Libres ». Il se fait tirer les lignes de la main par une voyante qui lui indique le poids exact d'un gâteau à gagner ! Effectivement, Stephen gagne bien le gâteau, et il est loin de se douter que les ennuis vont recommencer pour lui dans une Angleterre plongée en pleine Seconde Guerre mondiale et où l’identité de chacun peut cacher un espion comme un meurtrier… Stephen prend ensuite le train pour aller à Londres et là, un aveugle monte dans le même compartiment que lui. Stephen lui offre de partager son gâteau et l'aveugle se met alors à émietter la part de gâteau. Puis, profitant d'un moment de distraction, l'aveugle assène un bon coup de canne et assomme Stephen... pour s'enfuir en s'emparant du gâteau !

Que contenait donc ce gâteau ? Stephen le poursuit mais l'aveugle lui tire dessus. Pas si aveugle, l'aveugle qui vise bien de surcroît. Mais bientôt l'aveugle meurt dans un bombardement sans que Stephen puisse récupérer le fameux gâteau. Il décide d'enquêter à l'association « Mères des Nations Libres » et là, rencontre leurs jeunes dirigeants, Willi Hilfe (Carl Esmond) et sa fort jolie soeur, Carla Hilfe (Marjorie Reynolds). Stephen veut revoir la voyante, madame Bellane, mais quand Willi se rend chez elle avec Stephen, voilà que la femme n’est plus tout à fait la même ! Au lieu de la vieille dame que l'on a vue, voici une fort troublante et belle femme ! Elle est bien voyante cela dit et nous voilà plongé peu de temps dans une séance de spiritisme ! Et il y aura bientôt un mort… Parallèlement, on apprend le trouble passé de Stephen qui a aidé sa femme à mourir... grâce à du poison. N’en disons pas plus.

Le climat trouble du film convient remarquablement bien à Fritz Lang, auteur célèbre de Dr Mabuse, Metropolis, Les Espions, M le maudit, Furie... sans oublier le film préféré du cinéaste, Les Trois lumières (1921) que l'on cite généralement fort peu. Tourné à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Espions sur la Tamise combine intrigue d’espionnage, film policier et plongée dans un univers paranoïaque, du moins fortement trouble, reflet sans doute de la réalité de l'époque. Comme le film se passe pendant la guerre, des affiches rappellent aussi, pour les habitants de Londres, qu'il ne faut pas pactiser avec l'ennemi, le cinéaste tirant parti de toutes les situations pour installer l'ambiguïté. Le titre original, Ministry of Fear (Le Ministère de la peur), résume plus fidèlement l'intrigue du film qui est tiré du roman de Graham Greene, adapté à l’écran par Seton I. Miller. Et c'est bien cette atmosphère poisseuse de peur-panique que Fritz Lang réussit le mieux à traiter dans ce monde où la personnalité d'un individu n'est jamais celle que l'on croit, un aveugle n'étant pas vraiment un aveugle, un mort n'étant pas vraiment un mort et un assassin n'étant pas vraiment un assassin... Voilà la vraie problématique que le film veut mettre en perspective.

Fritz Lang peut donc embrayer sur ses thèmes préférés, le mystère d’une société secrète et influente, la traque d'un homme (généralement innocent) et la volonté d'un homme de résoudre son passé ambigu. Mais indéniablement, le cinéaste excelle à nous plonger dans une réalité où les identités se sont dissoutes, où l'on ne sait plus très bien dissocier le rêve de la réalité. Même un fort vieux et sympathique libraire n'est pas aussi gentil qu'il en a l'air... Certes, avouons-le, la suite du film est un peu plus convenue (une des raisons certainement du fait que Fritz Lang n'aimait pas ce film mais il n'a guère aimé ses propres réalisations pour ainsi dire), notamment l'intrigue amoureuse entre Stephen et Carla que l'on voit arriver de très très loin, intrigue amoureuse par ailleurs à peine traitée. De même, la résolution est assez décevante et gâche un climat fort inquiétant qui ne lâchait pas le spectateur une seconde.

Néanmoins, Espions sur la tamise est nettement plus qu'un simple film de commande et montre à quel point Fritz Lang est un cinéaste qui a le sens du cadre et de la direction d'acteurs (Ray Milland et Marjorie Reynolds ici sont tout à fait remarquables). Il a aussi sa propre griffe par sa façon bien à lui de semer le doute par petites touches, parfois fort subtilement, témoin cette scène où Stephen Neale, pénétrant dans l'enceinte des « Mères des Nations Libres » au début du film, reçoit un ballon qu'une fillette revient chercher juste après. Le cinéphile averti aura tout de suite repéré que cette scène fait référence à M le Maudit, identifiant Stephen à l’assassin d’enfants. Mais Stephen est-il l'homme si obscur que l'on croit ? Rien n'est sûr encore une fois.

En dépit d'une seconde partie un peu moins convaincante, on admirera la remarquable concision de sa mise en scène qui atteint parfois à une épure époustouflante comme par exemple cette séquence finale où, plongé dans le noir avec Stephen, Clara tire un coup de feu sur un homme qui s'enfuit (ne révélons pas de qui il s'agit) et troue la porte qui laisse alors apparaître la lumière du couloir. Le plan est visuellement magnifique et vaut le coup d'oeil car on ne réussit pas de telles choses par hasard. On sent bien que derrière la caméra, il y a bien le maître de l'expressionnisme allemand.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 27/07/2007 )
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