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Miracle
avec Milos Forman, Ladislav Jakim, Pavla Martinkova, Jan Vostrcil
Malavida 2008 / 24 € - 157.2 ffr.
Durée film 85 mn.
Classification : Tous publics |
Sortie cinéma, Pays : 1966, Tchécoslovaquie
Titre original : Cerný Petr
Version : 1 DVD 9/Zone 2
Format vidéo : 16/9 compatible 4/3
Format image : 1.33 (noir et blanc)
Format audio : Tchèque (Dolby Digital 2.0 mono)
Sous-titres : Français
Bonus :
- Analyse de Romain Le Vern (12 mn)
Livret avec les textes du critique dAndré Téchiné et entretien de James Blue avec Milos Forman - les personnalités de la Nouvelle Vague de Stanislava Pradna
L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est lauteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.
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Si Les Amours d'une blonde et Au Feu les pompiers ! même Milos Forman sont deux grands chefs-d'uvre du cinéma tchèque, L'As de pique mérite une attention toute particulière. Malavida a effectué un choix judicieux en ressortant ce petit bijou. Nous sommes ravis de voir en DVD ce film devenu si rare. C'est le premier film de Milos Forman après quelques courts métrages.
L'As de pique figure donc dans la période tchèque de Milos Forman, période heureuse cinématographiquement, hélas moins politiquement. Réalisateur américain d'origine tchécoslovaque, né en 1932, après des études à l'université publique de Poděbrady, il a fréquenté l'École du cinéma de Prague : la FAMU. Il y réalise plusieurs courts métrages et son As de pique (1964) le fait connaître au-delà des frontières de son pays. Il réalise ensuite ses deux chefs-d'uvre est obligé à d'émigrer à cause de la répression du Printemps de Prague. Passé aux États-Unis, il réalise une comédie sociale, Taking Off (1971) puis change de registre avec Vol au-dessus d'un nid de coucou (1975). Il réalise ensuite Hair (1979), Ragtime (1981), Amadeus (1985) et Valmont (1989). Plus tard, il retourne aux biographies filmées avec Larry Flynt (1996), Man on the Moon (1999) et Les Fantômes de Goya.
Quel étrange parcours depuis L'As de pique jusqu'à Amadeus ! Entre le petit film en noir et blanc fait avec peu de moyen et la superproduction hollywoodienne un peu étouffante. On est tenté de privilégier cette période tchèque, plus libre, plus simple, plus ironique, plus douce-amère, plus sincère. Milos Forman n'a pas peur du ridicule, de montrer les faiblesses de ses personnages, comme Petr, ce jeune homme puceau, maladroit et hésitant avec les filles, perdu dans cette société, écrasé par un père étrange et moraliste, mal à l'aise dans son nouveau petit boulot qui est de surveiller les clients d'un magasin d'alimentation... Petr a 16 ans. Il sort bien avec une fille, mais sans réussir à construire une relation forte. Et puis il croise d'autres jeunes, comme lui inadaptés à cette société en faillite
Milos Forman ne s'embarrasse pas de concepts et filme au plus près son personnage sans sombrer dans la complaisance naturaliste ou la déconstruction godardienne. La trame du film est simple mais pleine de mélancolie et ordinaire avec quelques éléments de beauté comme Asa (Pavla Martinkova), la jeune femme aimée par Petr mais qui n'est pas aimé d'elle en retour. Petr est un personnage très proche de Milos, le jeune homme de Trains étroitement surveillés de Jiri Menzel, réalisé peu de temps après.
Le cinéma tchèque de cette époque parvient à saisir tout le tragique et la drôlerie de ces situations, ayant un regard tendre et lucide, mêlant avec bonheur et jubilation humour et désespoir, avec un goût pour l'absurde et le grotesque (voir la scène où Petr suit un homme dans la rue, croyant que celui-ci a volé quelque chose dans le magasin). Bien sûr, les allusions au travail de Petr indiquent une société sous haute surveillance et ce n'est pas qu'un détail parmi tant d'autres.
Le cinéaste filme aussi les temps morts, les promenades ensoleillées au bord d'un étang, l'ennui de vivre, les moments où le désir pointe sans jamais être satisfait. Les scènes où Petr regarde par un trou le corps de la jeune Asa et qu'il revoit celle-ci plus tard allongée en bikini sur la barque sont des moments cruels pour le jeune homme. Tout cela est à portée de main, mais pour rien car Petr rate tout, ne sait pas arrêter les voleurs par timidité et suit les personnes qu'il ne faut pas, les amies du patron... Que d'ironies et d'amertumes...
Là où le cinéaste excelle, c'est dans le croquis de la faiblesse humaine. Forman a une prédilection pour les bals où les jeunes hommes et les jeunes femmes ne savent pas s'y prendre pour se rencontrer et danser ensemble. Rien n'a changé sinon la musique. On est loin ici de l'assurance vaniteuse et verbeuse d'un Doinel chez Truffaut. Il faut voir le quasi mutisme de Petr devant son père, voir son regard égaré et sentir là tout un monde perdu.
Un merveilleux petit film mélancolique, réalisé avec quelques bouts de ficelle, L'As de pique par sa discrétion et son intense sensibilité. Le film suivant de Milos Forman, Les Amours d'une blonde sera aussi une perle.
Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 12/12/2008 )
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