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Cristal noir avec Michelangelo Antonioni, Marcello Mastroianni, Jeanne Moreau, Monica Vitti Films sans frontières 2011 / 10,99 € - 71.98 ffr. Durée film 122 mn. Classification : Tous publics | Sortie Cinéma, Pays : Italie, France, 1961
Sortie DVD : 30 Novembre 2011
Version : 1 DVD-9, Zone 2
Format vidéo : PAL, Format 1.66
Format image : N&B, 16/9 compatible 4/3
Format audio : Italien 2.0 mono
Sous-titres : Français
Bonus : aucun Imprimer
Michelangelo Antonioni est un grand cinéaste italien, auteur entre autres de LAventura (1959), LEclipse (1964), Blow up (1968), Profession : reporter (1975), Identification dune femme (1981). Il est mort le même jour quIngmar Bergman, le 30 juillet 2007, son «rival» préféré ; les deux réalisateurs autopsiaient avec une grande lucidité lâme humaine, et plus précisément les rapports hommes-femmes dans ce quils avaient dimpossible. Le cinéma de Michelangelo Antonioni est, quelque part, proche de Samuel Beckett, avec ses personnages qui se désertent, des lieux eux aussi désertés, vides, rectilignes, parfois remplis de brouillard. Il est proche du peintre italien Giorgio De Chirico par ses grands décors vides (mais aussi de Piero Della Francesca, son peintre préféré).
En effet, les films dAntonioni se placent sous le registre du désert, de labsence, de lerratique. Dans LAventura, Anna (Léa Massari) disparaît après un petit tour en bateau sur une île ; dans Profession : reporter, David (Jack Nicholson) prend lidentité dun mort pour disparaître aux yeux de son entourage et de lendroit où il habitait. Etc. Les personnages des films du cinéaste sont en échec, leur désir et celui quils éprouvent envers les autres sont comme en panne. Ils ne parviennent pas à se joindre et se rejoindre. D'un point de vue métaphysique, Antonioni est le grand cinéaste chez qui lessence de lhomme est une place vide ; dans Au-delà des nuages par exemple, Niccolo (Vincent Pérez) tente de faire l'amour à Carmen (Inès Sastre) mais il ne fait que la frôler... Belle scène irréelle et concrète à la fois qui indique bien l'impossibilité de posséder et d'atteindre l'objet de son amour. Même si le film n'est pas le plus réussi du cinéaste, alors vieux et malade, la scène reste symptomatique de son approche et de ce qu'il tente de faire comprendre.
Voici un autre grand film de cet auteur : La Notte (La Nuit), dont le titre est dû à une toile de Roberto Sironi que l'on aperçoit un instant dans le film. Lhistoire est "antonionienne" : Lidia (Jeanne Moreau) et Giovanni Pontano (Marcello Mastroianni), mariés depuis une dizaine d'années, rendent visite à leur ami Thomaso qui agonise dans une clinique milanaise. Pendant que son mari assiste à une dédicace de son dernier roman dans une atmosphère mondaine, Lidia s'échappe et s'attarde dans les faubourgs de la ville. Elle y voit des hommes se battre à poings nus et d'autres lancer des petites fusées expérimentales à la conquête du ciel. Le couple se rend à une "nuit milanaise" organisée dans le parc d'une luxueuse villa de Brianza par le riche industriel Gherardini. Giovanni se sent seul et Lidia le provoque en lui indiquant Valentina (Monica Vitti), une jeune femme qui lit Les Somnambules d'Hermann Broch et qui a l'air de se sentir aussi seule que lui. Giovanni se laisse séduire par elle et l'entraîne dans un jeu de palais qui réunit la foule des invités
Tout dans le film tourne autour dune déliquescence annoncée. On pense évidemment au chef duvre de Federico Fellini, La Dolce vita, avec cette mondanité médiatique figurant le monde actuel, un monde futile, vain, creux, sans substance, mais séduisant par le fait quil permet de fuir le réel. A tel point d'ailleurs que les individus se perdent dans ce monde du représenté sans plus savoir ce qu'ils veulent et désirent. Lunivers terrible brossé ici par le cinéaste indique la vacuité et la vanité de tout ce petit monde (il serait d'ailleurs trop facile de le réduire à la bourgeoisie) dans son rapport à la réalité. Le personnage incarné par Marcello Mastroianni montre bien à quel point il est englué dans son image de romancier à succès, jouant de son charisme auprès des femmes et ne pouvant que mentir à la sienne tandis que celle-ci a l'observe en train d'embrasser Valentina
Le rapport avec l'ami Thomaso, dont Livia apprendra la mort lors de la soirée, est implacable, mort qui se passe pendant que la pluie d'orage tombe et que les invités se jettent dans la piscine. Hystérie collective d'un monde faux et qui se ment sur lui-même... Car ce que vise Antonioni est la réalité et les défaillances des êtres humains envers elle. "Ce qui intrigue Antonioni n'est pas le rapport psychologique et moral entre le photographe et le couple, mais le rapport ontologique entre le professionnel de l'objectif et la réalité tout court", souligne à propos de Blow up Aldo Tassone, auteur dun remarquable Antonioni (Flammarion - Champs 2007). A force de fuir la réalité, les êtres deviennent des fantômes, vides de désir. Le fait que Valentina lise <>Les Somnambules nest bien sûr pas dû au hasard...
La mise en scène dépouillée et presque sèche met en valeur larchitecture de la ville et des villas, emprisonnant les personnages derrière des baies vitrées, miroirs et autres cadres. Superbement filmé dans un noir et blanc contrasté, La Notte est un cristal noir. La nuit occupe une place centrale dans cette descente aux enfers. La fin, terrible, se finissant à laube, lheure où les fantômes disparaissent, indique bien toute la différence quil y a entre la réalité et la fiction. Fiction que nous nous faisons du monde pour ne pas voir cette même réalité qui, elle, existe pourtant
Un film sublime.
Yannick Rolandeau ( Mis en ligne le 02/12/2011 ) Imprimer
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