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Jay tout craché
Entretien avec Jay McInerney - (Moi tout craché, L'Olivier, Octobre 2009 / Points Seuil Octobre 2010)


- Jay McInerney, Moi tout craché, L'Olivier, Octobre 2009, 297 p., 22 €, ISBN : 978-2-87929-671-5 / Seuil (Points), Octobre 2010, 345p., 7 €, ISBN : 978-2-7578-2003-2
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Parutions.com : Qu'est-ce qui vous a motivé pour écrire ces nouvelles et rassembler ce recueil ? Pourquoi avez-vous décidé de publier ces nouvelles aujourd'hui ? Par ailleurs, l'édition française comporte seulement 16 nouvelles sur les 26 de l'édition américaine. Est-ce qu'il y a une raison à cela ?

Jay McInerney : Douze de ces nouvelles sont inédites ; je les ai écrites en 2008. Je voulais consacrer du temps à ce genre littéraire parce que l'essentiel de ma carrière avait été dévolu au roman. Il m'arrivait d'écrire une nouvelle par-ci, par-là, ou de me lancer dans une nouvelle qui, finalement, aboutissait à un roman. L'an dernier, j'étais résolu à me lancer dans un recueil de nouvelles, et j'ai donc écrit douze histoires. Quant à la forme du recueil, elle dépend des éditeurs. Mes éditeurs américains ont décidé de rassembler toutes les nouvelles que j'avais jamais publiées et cette idée m'a plu. Pour mon éditeur Français, il s'agissait plutôt de publier les nouveaux textes auxquels furent ajoutées quatre nouvelles plus anciennes mais qui n'avaient pas encore été éditées en France dans un recueil. Ici, en 2002, j'ai publié un recueil, La Fin de tout, qui rassemblait des nouvelles que j'avais écrites dans les années 90. Quant aux éditeurs Anglais, ils n'ont choisi que les nouvelles de l'an dernier. Voilà pour le détail !

Parutions.com : Les styles y sont très différents. Est-ce que les nouvelles sont classées dans un certain ordre dans l'édition Américain, ou même dans l'édition française?

Jay McInerney : Elles sont ordonnées chronologiquement dans l'édition Américaine. J'ai pu intervenir dans le choix de cet ordre. En France, je ne savais pas ce que les éditeurs avaient décidé jusqu'à mon arrivée ici.

Parutions.com : La dernière nouvelle du recueil est «Le Dernier célibataire». Est-ce la même chose pour les autres éditions ?

Jay McInerney : Oui, c'est pareil dans les éditions américaines et anglaises. Tout le monde semble penser que c'est un bon moyen de clore le livre (rires).

Parutions.com : L'amour et les relations amoureuses — l'infidélité surtout — sont en effet les thèmes les plus visibles du recueil...

Jay McInerney : Oui, et, allez savoir pourquoi, l'infidélité est particulièrement mise en avant dans la version française (rires). Les soucis de couple...

Parutions.com : En étiez-vous conscient à l'écriture?

Jay McInerney : Non, c'est venu tout seul en fait. Mais quand on écrit sur les relations amoureuses, les couples heureux ont très peu de portée dramatique. Les familles heureuses se ressemblent toutes alors que les familles malheureuses sont toutes différentes dans leur misère. J'aime bien sûr les belles histoires d'amour, mais je ne veux pas nécessairement écrire dessus.

Parutions.com : Ces relations-là sont en effet plus captivantes. Vos intrigues elles-mêmes sont inventives, saisissantes ; elles peuvent même créer chez le lecteur un certain malaise.

Jay McInerney : Je crois que la littérature doit déranger parfois. Sinon, ça n'a pas vraiment de sens.

Parutions.com : Un des meilleurs exemples est la nouvelle «Je t'aime, chérie». Quelle histoire ! D'où vous est venue l'idée?

Jay McInerney : Un jour, ma femme m'a parlé d'un couple dont elle se souvenait, quand elle était petite ; il lui semblait alors que chaque fois que le mari avait une liaison, sa femme se faisait avorter. Ça m'a interpelé, je voulais en savoir plus sur eux, mais elle ne pouvait pas se rappeler leurs noms. Je crois qu'elle a juste mentionné que la femme était juive et le mari, catholique. C'est tout ce qu'elle savait. Mais en fait, c'est mieux de n'avoir que quelques bribes d'une histoire pour ensuite construire une nouvelle. Henry James, quand il allait au restaurant et qu'il écoutait une conversation, couvrait ses oreilles pour ne pas entendre la fin parce que cela conservait à son imagination la liberté de créer un dénouement propre. De la même façon, le fait que ma femme ne puisse pas me dire autre chose sur cette histoire m'a en fait aidé. A partir de ce germe, j'ai pu créer une nouvelle. Beaucoup de mes nouvelles ont un point de départ similaire, elles sont nées de quelque chose que j'ai pu entendre, comme pour «Le Serveur» : une amie européenne m'a confié qu'un jour, au restaurant, ils avaient engagé une conversation charmante avec un individu, avant de réaliser qu'il était serveur. Cela l'avait déboussolée alors que moi, c'est sa réaction à elle que je trouvais étrange. Voilà pour l'anecdote. A partir de cela, j'ai construit ma nouvelle en ajoutant ce jeune homme qui veut devenir écrivain et tombe amoureux de cette autre fille... Tout est parti de ce petit germe d'histoire.

Parutions.com : A propos des écrivains dans cette nouvelle, est-ce que vous souhaitiez ici proposer vos propres considérations sur le métier d'écrivain ? D'autres nouvelles s'intéressent d'ailleurs au rôle des écrivains et au processus créatif. «Tout est perdu», par exemple.

Jay McInerney : Oui, en effet, je crois que ces histoires posent la question de l'écriture et de ce qu'être écrivain veut dire. Pour «Je t'aime, chérie», je ne crois pas que ce personnage-là soit un bon écrivain. Je ne donne évidemment pas d'exemple de son écriture mais je crois que c'est quelqu'un qui ne comprend pas les femmes et qui n'observe pas le monde autour de lui. C'est donc probablement un écrivain terrible.

Parutions.com : Un de mes passages préférés dans le recueil se trouve au début du «Serveur», quand les protagonistes ont une conversation sur l'enseignement de l'écriture de fiction. Penser-vous que l'on puisse vraiment enseigner l'écriture romanesque ?

Jay McInerney : Je crois que oui. En France, en Italie et, dans une certaine mesure, en Grande-Bretagne, on est très méfiant envers cette idée d'écriture créative, et je trouve ça ridicule. On va bien au conservatoire pour étudier la musique ou aux Beaux-Arts pour apprendre l'art. Tous les peintres américains de ma génération sont allés aux Beaux-Arts et tous les musiciens classiques, à la Juilliard School. Pourtant, beaucoup de monde croit que l'écriture est un art mystique. L'écriture, avant tout, est un métier. Je crois que le fiction et la poésie sont des artisanats obéissant à certaines règles et techniques qu'il faut savoir pratiquer et maîtriser, et un bon écrivain peut vous aider à apprendre ces aspects du métier. Bien sûr, on ne peut pas faire de n'importe qui le nouvel Hemingway. Mais une personne douée pour l'écriture peut tirer profit de ce type d'apprentissage. Beaucoup de ceux qui vont dans ces écoles d'écriture ne seront jamais de bons écrivains, et peut-être que leur effort est inutile s'ils pensent qu'ils vont être la prochaine Joyce Carol Oates. Mais d'un autre côté, les meilleurs écrivains de ma génération sont sortis de ces écoles d'écriture. Je pense que la littérature américaine fait bien les choses, en comparaison des autres littératures.

Parutions.com : Avez-vous dû mener des recherches pour ces nouvelles?

Jay McInerney : Pour ces histoires, la recherche a surtout consisté à écouter des conversations et ce durant ces vingt-cinq dernières années. Il n'y a donc pas eu de recherche spécifique. Pour «La Manifestation», j'avais par exemple participé à cet évènement-là. Il m'arrive bien sûr de faire des recherches, pour mes romans notamment, parce que les personnages ont diverses professions que je dois dépeindre de manière crédible. Mon dernier roman, par exemple, se situe dans le milieu des banques d'investissement, et il y est donc question de ce qu'un banquier peut faire.

Mais pour revenir au recueil, c'est bien l'observation qui a primé dans mon travail. Pour la plupart des textes, il s'agit d'histoires auxquelles je réfléchissais depuis des années. Il y a depuis toujours à New York des hommes qui jouent les play-boys et qui mènent inlassablement le même train de vie ; ils sont à la base du «Dernier célibataire». Ce sont des hommes qui, encore à 40, 45 ans, restent célibataires et arpentent la ville comme un terrain de chasse. Ma ''recherche'' ici a simplement consisté à les regarder courir et chasser des années durant !

Parutions.com : La plupart de vos nouvelles ont d'ailleurs lieu à New York. Quel meilleur observatoire pour un écrivain ?!

Jay McInerney : Chacun a évidemment son terrain de jeu mais New York est indubitablement mon ''territoire''. Je trouve cette ville toujours aussi fascinante.

Parutions.com : Vous avez brièvement évoqué les différences entre le roman et la nouvelle. Quelles sont les principales particularités pour vous ? Y a-t-il un genre plus difficile que l'autre ?

Jay McInerney : Jusqu'à récemment, je n'avais pas une grande confiance dans ma capacité à écrire des nouvelles. Comme j'ai dit, il m'arrivait d'en écrire de temps en temps. Mais c'est une forme vraiment exigeante. Je crois que ce n'est pas un genre très en vue en France, alors que pour moi, certains des plus grands écrivains américains se sont surpassés dans leurs nouvelles, Hemingway, Fitzgerald, Flannery O'Connor, Anne Beattie, Raymond Carver par exemple... Leurs nouvelles relèvent de la grande littérature, bien qu'il soit plus difficile pour ce genre littéraire d'avoir un fort impact commercial. Mais j'ai toujours toujours eu un très grand respect pour cette forme. On pardonne plus facilement à un roman si certains passages sont caduques ; à un nouvelle, non : si deux pages sont ratées, c'est un échec complet.

Parutions.com : Est-ce qu'il vous a été difficile de vous lancer ?

Jay McInerney : Et bien, disons que j'étais motivé. Mais je pensais que ce serait plus difficile que ça. En fait, j'ai compris qu'il n'est pas impossible que ceux qui ont écrit de bons romans puissent aussi écrire de bonnes nouvelles. Hemingway ou John Updike l'ont fait. D'autres réussissent plus dans l'un ou l'autre genre. Moi, j'avais peur de ne pas trouver le truc. Mais je commence à penser que je ne suis pas trop mauvais dans l'écriture de nouvelles et j'attends avec impatience de pouvoir le faire à nouveau. Je dois tout d'abord terminer le roman sur lequel je travaille actuellement, et peut-être en écrire un autre ensuite. Mon éditeur a fait une dépression nerveuse quand je lui ai dit que je voulais écrire un autre recueil de nouvelles ! Pourtant, j'ai reçu les meilleures critiques de ma vie avec ce livre, et j'ai même été mis à la une de la New York Times Book Review. Mais ce recueil ne se vendra pas aussi bien que mon roman. La nouvelle n'est pas un genre aussi commercial ou aussi viable que le roman, aujourd'hui. Je ne sais pas pourquoi. Il me semble pourtant que cette forme devrait être adaptée à notre temps, à l'âge de la communication par internet, avec chez chacun de nous une capacité de concentration qui va diminuant, des programme de télé qui ne dépassent pas les vingt-deux minutes. Je ne comprends pas... Je pense qu'il pourrait y avoir un regain d'intérêt pour ce genre littéraire. En fait, en plus du mien, plusieurs recueils de nouvelles ont fait du bruit et reçu d'excellentes critiques cette année. Peut-être sommes-nous en train de populariser ce format ?...

Parutions.com : Quel est votre personnage préféré, si vous en avez un, et pourquoi ?

Jay McInerney : Mon personnage préféré est quelqu'un qui apparaît dans plusieurs de mes œuvres ; c'est Corinne Callaway. C'est la femme qui apparaît dans «Le Manifestation». Et c'est certainement aussi mon personnage préféré dans le recueil. J'aime aussi Alison Poole, bien qu'elle soit plus folle ; elle apparaît dans «Moi tout craché». Alison n'est pas aussi admirable que Corinne, qui est quelqu'un de remarquable et d'intelligent mais je l'aime malgré tout ; je la trouve intéressante.

Parutions.com : A la lecture, il y a quelque chose dans votre narration qui relève de la confession. Cela donne une proximité, une intimité avec vos personnages. Pensiez-vous à cela quand vous écriviez ?

Jay McInerney : C'est un point intéressant. Je pense que l'intimité est importante en effet. Quand j'ouvre un livre, je veux sentir comme si quelqu'un me chuchotait à l'oreille, au lieu de me tenir à distance.

Parutions.com : Est-ce que cela vient des sujets traités ? C'est comme si les personnages confessaient leurs péchés au lecteur.

Jay McInerney : Les péchés sont très présents dans ces histoires, oui. (rires)

Parutions.com : Oui, de même que les thèmes de la rédemption et de la vengeance. Est-ce que ce sont des idées importantes pour vous ?

Jay McInerney : Oui, absolument. Ce sont des thèmes universels. L'amour, le mariage, le sexe, la trahison sont des phénomènes présents dans nos vies quotidiennes, et donc des sujets intéressants. Ce sont des choses auxquelles nous faisons tous face. Tout le monde n'est pas dans la politique ni n'a un impact sur l'état du monde, alors que nous devons tous composer avec nos familles, nos amants, le sexe et la mort.

Parutions.com : Est-ce qu'il y a pour vous un thème prédominant ?

Jay McInerney : Je crois que ce livre traite avant tout des relations humaines et de leurs écueils.

Parutions.com : Merci.


Entretien mené en Anglais par Samantha Joustra le 25 sept. 2009 (Traduction : Samantha Joustra et Thomas Roman)
( Mis en ligne le 30/10/2009 )
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