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Poches -> Littérature |
| Evelyn Waugh Scoop 10/18 - Domaine étranger 2003 / 7.30 € - 47.82 ffr. / 290 pages ISBN : 2-264-03788-1 FORMAT : 11 x 18 cm Imprimer
Aujourdhui, épingler la responsabilité des médias presse, radio, télévision quant à un certain travestissement de lactualité est devenue chose courante. Sacrifiant au rite chronophage de la société du spectacle, une partie des médias évite de retranscrire une réalité complexe et ambivalente, afin dassurer au public un show bien rodé, assurant les intérêts financiers des gros groupes de communication. Une information en chasse une autre, vite oubliée, dans une course frénétique à la nouveauté et au spectaculaire
Depuis quelques années, certains se sont lancés avec succès dans ce combat contre la pensée unique et amnésique, en dénonçant les dérives de la simplification extrême et de la circulation parfois trop rapide de linformation, qui se passe ainsi de rigueur et de vérification. De courants différents, ayant le cur tantôt à gauche, tantôt à droite, ils se nomment Ignacio Ramonet, Serge Halimi, Pierre Carle, Michael Moore, Vladimir Volkoff ou Jean Sévillia
Mais Evelyn Waugh, savoureux auteur anglais poil à gratter de lentre-deux guerres, avait déjà jeté un pavé dans la mare en 1938 avec la publication de son roman Scoop. Cet ouvrage désopilant lui a été inspiré alors que Waugh, correspondant pour le Daily Mail pendant la guerre italo-éthiopienne, découvre que la mission première de la presse informer le public de façon objective , est rendue impossible par de nombreux travers : lutte dintérêts (financiers et politiques), compétition entre les journaux, et chasse sans pitié au «scoop». Ce constat amer fait lobjet du présent roman.
À la suite dune méprise, un journaliste benêt et incompétent, William Boot, est engagé par le patron du Daily Beast (savoureux détournement !) pour couvrir une guerre civile dans un pays imaginaire dAfrique. Arrivé sur les lieux, il découvre une république fantoche et confuse, en proie aux intérêts internationaux des grandes puissances. Mais point de guerre civile, et une situation politique et financière totalement anarchique. Bien évidemment, Boot savère incapable denvoyer à Londres des informations, pas plus que ses congénères reporters inénarrable galerie de portraits ! Mais il évitera de justesse le licenciement en fournissant un scoop brûlant, obtenu encore une fois totalement par hasard !
Ce roman satirique se savoure à petites gorgées jouissives, tant il est féroce et méchamment juste, avec cette touche dhumour absurde dans la lignée de PG Woodhouse. On pourra néanmoins reprocher une trop grande complexité dans la construction de lintrigue, et un foisonnement de petites saynètes et de personnages, qui rendent la lecture parfois un peu périlleuse. Reste une dénonciation sans fard des travers dune presse cynique et prise par la voracité de la compétition : «Le baba de ce métier, si vous voulez bien me permettre, cest que lEvénement, cest ce quun type qui se fout à peu près de tout veut dans son journal du matin, ou du soir du reste. Et cet Evénement nest Evénement que tant quil ne la pas lu ; après fini, cest mort et enterré. On nous paie pour abouler lévénement. Si un autre arrive avant nous, cest comme si on avait pas couru
». Nul doute que sil vivait aujourdhui, Waugh aurait pu sortir un Scoop encore plus énorme
Caroline Bee ( Mis en ligne le 24/03/2004 ) Imprimer
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