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Poches -> Littérature |
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L’enfer des amours enfantines | | | Edmund White Un jeune américain 10/18 - Domaine étranger 2005 / 7 € - 45.85 ffr. / 301 pages ISBN : 2-264-04196-X FORMAT : 11x18 cm Imprimer
Né à Cincinnati en 1940, Edmund White enseigne la littérature américaine à Princeton. Cest la découverte traumatisante de l'homosexualité qui fournit la trame du récit autobiographique Un jeune américain, paru en 1992 et réédité à présent en collection poche 10/18.
Lauteur appartient à un milieu de riche bourgeoisie américaine, fils dun self-made-man qui a réussi dans les affaires et peut donc abriter sa famille dans dinvraisemblables demeures : château Tudor ou maison cossue, sans oublier la demeure perdue au fond des bois, au bord dun lac, où la famille se ressource au contact de la nature, image constante du rêve américain depuis Thoreau. Le père y bricole et sacrifie aux rites sociaux : pêche et promenade en bateau alors même quil ne sait pas nager et naime pas particulièrement ce type de loisir. Figure étrange et énorme que celle de cet homme, géant massif, vu le plus souvent allongé au rythme de sa vie inversée : il dort le jour et vit la nuit. A ses côtés, une belle mère élégante, silencieuse et cultivée, qui partage avec son beau fils le goût de la lecture et des heures calmes auprès de la cheminée. Le travail du père reste un peu mystérieux, même si le fils y est associé le temps dun job estival. Un père admiré, aimé, craint, en même temps que le fils rêve quil lenlève pour des amours incestueuses
A lopposé de ce colosse placide et efficace, une mère minuscule et constamment dans le mouvement, la frénésie, léchec
Echec dont la répétition naltère pas pour autant son énergie. Une mère qui marque ouvertement sa préférence pour le fils, sensible, littéraire, artiste. Une sur vient compléter le tableau familial : aînée, autoritaire, violente, tyran aimé et estimé du père. Aucun prénom, peu de description précise, mais tout un univers qui se déploie : celui des classes moyennes supérieures de lAmérique des années 50/60, leur étroit horizon intellectuel, dans une société profondément imprégnée de puritanisme.
Lauteur pose volontairement sur ces années, ce milieu, un regard impersonnel, le récit est écrit à la première personne, mais tout reste dans lanonymat ou presque ; les descriptions sont à la fois précises et floues ; il sagit de lhistoire du narrateur, mais ce pourrait être celle de nimporte quel petit garçon de sa génération. Des portraits sont dressés, souvent de façon cruelle ; ainsi celui des Scott, professeurs au collège où étudie le narrateur : «je ne pouvais mempêcher de penser que les Scott étaient au fond deux-mêmes aussi américains que moi, aussi sceptiques devant tout ce qui était une idée, et que leurs convictions provenaient comme les miennes de la sincérité dun désir plutôt que de la rigueur dun système». Aucun adulte néchappe à ce jeu de massacre : futiles, égoïstes ou pervers, tous sont irresponsables à un degré ou un autre et aucun ne peut prétendre au rôle de mentor. Sils détiennent la clé de leur monde, ils sont incapables de la transmettre.
Dans cet univers étriqué où les enfants sont abandonnés à eux-mêmes pour lessentiel, même si le confort quotidien est assuré, lauteur fait la découverte progressive dune attirance pour les jeunes garçons, quil nose savouer et se contente dans un premier temps dinscrire dans une phase inévitable de lévolution adolescente. Lorsque ses préférences simposent à lui, il les lit comme une maladie, une tare, un péché ; conviction que partage son père. Envoyé, à sa demande, dans un internat, il abandonnera le monde de lenfance sur une ultime scène de séduction qui saccomplit dans la trahison. Le livre sachève ainsi sur un adieu à la naïveté et à linnocence de lenfance, innocence trahie par les adultes, tous, quils soient amis, ennemis ou indifférents. Le narrateur se retrouve désormais seul face à lui-même
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 22/07/2005 ) Imprimer
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