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Bande dessinée -> Les grands classiques |
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Extrait du journal Spirou cuvée 1973 | | | Lambil Raoul Cauvin Pauvre Lampil Dupuis 2008 / 15 € - 98.25 ffr. / 48 pages ISBN : 978-2-8001-4269-2 FORMAT : 22x30 cm Imprimer
Avec le premier album de Pauvre Lampil, on plonge dans une faille temporelle de 35 ans.
En 1973, Willy Lambil vient à peine de reprendre au pied levé le dessin des Tuniques Bleues après la mort de Louis Salvérius. Lui qui pratiquait le semi-réalisme dans les aventures de Sandy et son kangourou, le voilà contraint de sinsérer dans un style purement comique. Lévolution quil donnera à la série jusquà un équilibre bien senti de vraisemblance et de caricature jouera pour une bonne part dans son succès, jusquà devenir un des best-sellers des éditions Dupuis.
Cest aussi sa première collaboration avec le scénariste Raoul Cauvin. Double renversement dans sa carrière, qui le conduit peut-être à sinterroger sur son métier. Car quelques mois sont à peine passés que le journal Spirou accueille dans sa rubrique Carte Blanche deux pages parodiant la vie dun dessinateur de bande dessinée.
Pauvre Lampil était né. Série parallèle aux Tuniques bleues depuis trente-cinq ans, sans jamais rencontrer un succès comparable.
Dans les sept albums publiés au fil des années, Lambil et Cauvin construisent une autofiction déprimée, où les auteurs se disputent et ne rencontrent jamais le succès escompté. Un regard ironique traité comme le serait nimporte quelle série humoristique de Spirou : sous forme de gags.
Le premier album, réédité ici pour lanniversaire de Cauvin, vaut particulièrement pour le portrait historique qui en découle : on retrouve une époque pas toujours révolue, celle dun artisanat de la bande dessinée. Toute la bande du journal est présente, Franquin, Tillieux, Walthéry, Deliège
Par contre, on remarque paradoxalement la quasi-absence de Cauvin dans lalbum. Sa paternité dans les premiers gags nest pas systématique, ceux quil signe sont souvent mentionnés en bas de page, comme un détail. Son personnage, surtout, napparaît presque pas : le seul duo comique (dailleurs fort efficace) est celui de Lampil et de son boucher. Spirou na pas encore à lépoque achevé son parcours de reconnaissance des scénaristes. Le rôle de Cauvin ira en grandissant dans les albums et dans les années suivantes.
On lit aussi, entre les lignes, la dépendance à la maison dédition, quand Lampil va demander à M. Dupuis une augmentation comme le ferait nimporte quel salarié. Et le statut ambigu de lauteur de bande dessinée, déjà largement reconnu dans les médias, au festival dAngoulême ou à la télévision, mais pourtant légèrement méprisé, car « il ne faut pas être bien malin pour dessiner ».
On retrouve, surtout, la solitude du dessinateur face à sa page, sa déprime et ses doutes. Lampil a la malchance dêtre régulièrement pris pour Franquin, ce qui annonce toujours une désillusion.
Curieusement, les éditions Dupuis ont choisi de laisser les couleurs dépoque, pastels et taches blanches. Cela a beaucoup vieilli, mais rajoute un côté mélancolique à cette lecture ancienne.
Certains gags évoquent irrésistiblement les cousins plus récents de Pauvre Lampil, du Gang Mazda au Gottferdom Studio. Et lon sent derrière la nostalgie un petit bout de permanence dans la bande dessinée.
Clément Lemoine ( Mis en ligne le 08/12/2008 ) Imprimer
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