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Documentaires -> Culturel |
Florilège avec Danièle Huillet et Jean-Marie Straub Editions Montparnasse 2009 / 45 € - 294.75 ffr. Durée DVD 276 mn. Classification : Tous publics | Sortie : 1982-2003
Sortie DVD : 7 Avril 2009
Version : 3 DVD-5, Zone 2
Format vidéo : PAL, Format 1.33
Format image : Couleurs et N&B, 4/3
Format audio : Allemand Stéréo
Sous-titres : Français
DVD 1 :
Amerika-Rapports de classes (Klassenverhältnisse)
(1983, 122 min., N&B)
D'après le roman Der Verschollene / Amerika (1912, publié en 1927, S. Fischer Verlag) de Franz Kafka (1883-1924).
DVD 2 :
Cézanne
(1989, 48 min., Couleurs)
Tiré de Ce qu'il m'a dit..., dialogue entre Paul Cézanne et Joachim Gasquet, chapitre du livre Cézanne (1921) de Joachim Gasquet (1873-1921).
Une visite au Louvre
(2003, 44 min., Couleurs)
Tiré de Ce qu'il m'a dit...
DVD 3 :
En rachâchant
(1982, 7 min., N&B)
D'après Ah Ernesto ! (1971) de Marguerite Duras (1914-1996).
Lothringen !
(1994, 21 min., Couleurs)
D'après Colette Baudoche (1909) de Maurice Barrès (1862-1923).
Humiliés (Umiliati)
(2002, 34 min., Vouleurs)
Extraits du roman Les Femmes de Messine (1949 et 1964, 1967) d'Elio Vittorini (1908-1966).
Lauteur du compte rendu : Benoît Pupier, est membre du collectif Cineades. Il travaille actuellement sur un documentaire de création, Marcel Poulet, un peintre docre en son pays. Imprimer
Les éditions Montparnasse poursuivent leur édition DVD du travail cinématographique de Danièle Huillet et Jean-Marie Straub, avec ce quatrième coffret où lon retrouve la mise en scène comme un combat, un frottement entre le visible et le texte, entre laffirmation dun plan et la matière littéraire.
Amerika-Rapports de classes (Klassenverhältnisse)
Karl Rossmann, seize ans, part pour lAmérique, chassé dEurope par ses parents pour avoir fait un enfant à la bonne. Le bel ingénu voudrait sur le bateau défendre la cause dun soutier quil estime victime dinjustice. Qui voudrait le croire ? Un homme se dit son oncle et laccueille chez lui, en Amérique. Hospitalité temporaire. Le parcours de Karl est un apprentissage des injustices sociales, des normes, des rapports de domination. Dans limmense maison bourgeoise dun ami de loncle, il sera écrasé. La mise en scène se joue de lui, dramatisation des lumières et des ombres, choix du noir et blanc, raideur des corps (image dun habitus aliénant), perspectives des couloirs, grand angle qui dénature lespace et perd le personnage. Piano et équitation, ce ne peut être son monde, il fuit et reprend sa route, en quête de travail. Il se trouve deux compagnons dinfortune, un Français, un Irlandais, mais, avec son bel habit et sa valise, les deux hommes le haïssent bientôt pour sa «petite propriété». Est-il vraiment du côté du Capital avec sa valise dérisoire ? Alors, pris en affection par une chef cuisinière dans un hôtel, il sera garçon dascenseur. Il pourra recueillir, dans la douceur lumineuse dune fenêtre, les confidences dune secrétaire. Mais il a le malheur de faire sallonger dans la chambre un de ses anciens compagnons, complètement saoul, venu le harceler et réclamer de largent. Abandon de poste : cest un procès sans défense. Il est mis dehors. Ses anciens compagnons dinfortune voudraient bien faire de lui un domestique. Où sarrête la fable ? Karl aperçoit une affiche pour une audition dans un théâtre, on embauche du personnel. Il est choisi. Est-ce une éclaircie ? Un coin de liberté ? Être libre : capacité de penser que lon nest pas libre ? Le théâtre est aire de jeu pour penser les déterminismes de chacun, lancer la dialectique, construire et déconstruire les rapports de classes. On se souvient que le troisième coffret Straub Huillet rassemblait deux films daprès Brecht. Cohérence de luvre.
Cézanne & Une visite au Louvre
La parole de Cézanne se donne à entendre
et à voir dans ces deux moyens métrages au plus près du mouvement du geste artistique. «(
) la peinture, cest bougrement difficile», dira-t-il. «(
) je commence à me séparer du paysage, à le voir», «(
) je vois par tache», «(
) le monde du dessin senfonce», «(
) nature, lil séduque à son contact», «(
) la moindre défaillance dil fiche tout à bas (
) et moi cest terrible mon il se colle au tronc à la motte et je peine à len arracher». Le premier film est un voyage, dun extrait de Madame Bovary de Renoir au portrait de la "Vieille au Chapelet" passant par chez Flaubert, de la montagne Sainte-Victoire filmée près dAix à une succession de tableaux. Le second est une traversée de lhistoire de la peinture, vindicative, passionnée, exaltée «(
) je naime pas les primitifs», «(
) David a tué la peinture», «(
) Véronèse la plénitude de lidée dans les couleurs», «(
) ce forçat de Tintoret», «(
) ils ne sont que deux, Delacroix et Courbet, le reste cest de la fripouille», «(
) Courbet, un bâtisseur, Proudhon lui a tourné la tête avec son réalisme».
En rachâchant
La belle petite frimousse ! «Je ne retournerai pas à lécole !», sexclame Ernesto. «Alors on refuse de sinstruire ?», interroge le maître devant Ernesto et ses parents désemparés. «Quest-ce quon va en faire ?» Cette petite comédie éclairée par Henri Alekan joue de lirrévérence du môme, de la caractérisation rapide et stylisée des personnages, du léger décalage des répliques. Le maître veut cogner ? La mère sinterpose. Le maître interroge encore : «Comment lenfant Ernesto envisage-t-il dapprendre ce quil ne sait pas encore ?» «En rachâchant !». Vaste programme !
Lothringen !
De lents panoramiques, un bruit de cloches, des plans dextérieur, des paysages, des plans en contre-plongée sur des bâtiments, témoins architecturaux dune période historique, un territoire, des villes au loin, une carte de Metz. Un commentaire off. Cest une évocation de larrivée des Prussiens en Lorraine, après la défaite de 1870, du traumatisme de lexil, de linterdiction du Français à lécole, de la vie des femmes. Daprès le roman de Barrès. Un personnage, en habit dépoque, Colette, fille de Metz, regarde le fleuve. LHistoire chaotique, dans son évocation fragmentaire, se frotte à lapparente immobilité du dehors, de la nature. «(
) ces gens qui sen allaient vers louest. Où allez-vous ? Nous ne voulons pas mourir Prussiens».
Humiliés (Umiliati)
Cest une discussion en forêt, une confrontation. Un homme (représentant de lEtat, représentant de propriétaires ?) sadresse à un groupe de villageois. Ils ont pourtant déminé, construit des maison, travaillé la terre, dans lespoir dune société nouvelle, après la guerre de 1945. Et lon voudrait les chasser. «Tu es venu nous provoquer ?». Les corps sont statiques. Les cadres taillent dans lespace et décentrent les acteurs. La durée marque sa présence. Le texte se détache des corps. La distanciation entre en scène. Lhomme fait figure de procureur. Lespoir dun renouveau rural est anéanti. Trois partisans avec foulards rouges prennent le relais de la parole, assènent leur vérité, expriment un pouvoir dominant. Jeux dialectiques, conflits des discours. La lutte armée est devenue discours et propagande. Sa toute puissance marque un mépris pour ces paysans. Les accusations assomment ce «village qui reste enfermé dans un refus de la modernité». Enfin, la solidarité villageoise se dissout, beaucoup abandonnent et fuient vers la ville, à Modène, pour y trouver du travail. Des déserteurs. Seule reste la compagne du chef pour porter le deuil, sasseoir à même le sol, pencher la tête, laisser glisser le poing serré sur le sol.
Benoît Pupier ( Mis en ligne le 08/05/2009 ) Imprimer
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