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La Chienne, version Fritz Lang
avec Fritz Lang, Edward G. Robinson, Joan Bennett
Carlotta Films 2008 /  20  € - 131 ffr.
Durée film 120 mn.
Classification : Tous publics

Sortie cinéma, Pays : 1946, USA
Titre original : Scarlet Street

Version : DVD 9/Zone 2
Format vidéo : 4/3
Format image : 1.33 (noir et blanc)
Format audio : Anglais (Mono)
Sous-titres : Français

Bonus :
- La trivialité stylisée par Serge Chauvin (28 mn)
- La restauration (3 mn)
- Bande annonce

L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.

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La Rue rouge est-il le remake du film de Jean Renoir La Chienne (1931) avec Michel Simon ou une autre adaptation du roman de Georges de La Fouchardière ? Bien malin qui pourrait le dire mais rappelons que Walter Wenger, Joan Benett et Fritz Lang avaient fondé une compagnie de production semi-indépendante au sein des studios Universal. Wenger voulait réadapter le film de Jean Renoir et ce dernier n'apprécia d’ailleurs pas ce "remake" qu'il considéra comme une trahison. Il en fut de même avec Désirs humains, nouvelle adaptation de La Bête humaine.

L'attrait du film de Fritz Lang est néanmoins évident parce que l'on peut ainsi voir ce qu'a pu faire un autre géant du cinéma, auteur de chefs-d'œuvre inoubliables - Metropolis (1927), M. Le Maudit (1931), Le Testament du Dr. Mabuse, mais aussi un film méconnu pourtant préféré par le cinéaste, Les Trois lumières (1921).

Nous sommes dans la période américaine de Fritz Lang ; il vient de tourner plusieurs films : Fury (1936), J'ai le droit de vivre (1937), La Chasse à l'homme (1941), Les Bourreaux meurent aussi (1943), Espions sur la Tamise (1944) et enfin La Femme au portrait (1944). Comme dans ce dernier titre, La Rue Rouge reprend le thème de la perception et de son rapport au réel, sans l’exploiter au maximum, hélas.

L'histoire du roman de Georges de La Fouchardière adapté par Fritz Lang est celle d'un caissier d'âge mûr, Christopher Cross (Edward G. Robinson), marié à une femme acariâtre. C'est par ailleurs un peintre amateur talentueux. Il s'éprend un jour de Kitty (Joan Bennett), une fille aux mœurs faciles. Avec la complicité de Johnny (Dan Duryea), son amant de cœur, Kitty persuade Christopher de l'installer dans un appartement somptueux où il pourra peindre son portrait. Bien qu'il doive détourner de l'argent de sa société pour entretenir luxueusement Kitty, Christopher se sent enfin heureux...

La version de Jean Renoir était plus naturaliste alors que celle de Fritz Lang tire plus vers le film noir, assez proche aussi d'un Eric Von Stroheim avec un mélange des tons et des genres. La Rue Rouge indique, avec un ton plus froid, la fatalité et l'enchaînement implacable des situations. Fritz Lang reprend le même trio d'acteur que pour La Femme au portrait. L'intrigue et la structure sont comparables. Dans les deux films, le héros tue accidentellement le protecteur de la femme dont il est tombé amoureux, l'entraînant dans une spirale de crimes et de chantages.

La censure interdit de garder le titre du film, La Chienne, considéré comme trop cru. Fritz Lang prend le nom d'une rue de Greenwich village, allusion à la putain de l'apocalypse. Kitty n'est plus une prostituée mais un ancien mannequin. Si le film de Fritz Lang est plus stylisé, il est en revanche plus artificiel dans sa facture générale et l'on a du mal à être impliqué dans l'action. Même l'excellent acteur qu'est Edward G. Robinson ne parvient pas à convaincre totalement. La forme assez froide du film prime en quelque sorte sur l'intensité des personnages et leur problématique existentielle. C'est dommage car le film aurait pu mettre l'accent sur la vie d'artiste ratée de Christopher Cross, échec aggravé par le fait qu'il n'a pas rencontré la femme de sa vie et s'est marié avec une insupportable mégère. Autre défaut plus anecdotique, les tableaux de Christopher Cross sont d'une grande pauvreté ; on se demande comment ils peuvent intéresser une galerie... John Decker, l'auteur des tableaux du film, est un peintre façon art naïf vaguement surréalisant, influencé par Le Douanier Rousseau et les muralistes mexicains...

La Rue rouge est donc à cheval sur deux univers, le film social et le film noir, sans trancher ouvertement pour l'un ou pour l'autre. Il manque à ce titre d'une certaine étrangeté qui l'aurait démarqué du film plus naturaliste de Jean Renoir. Par exemple, à l'instar de La Femme au portrait, son film précédent, Fritz Lang initie une piste intéressante : le patron de Christopher Cross a une jeune maîtresse et notre anti-héros a raté sa vie professionnelle et sentimentale. Juste après, il rencontre une superbe femme, sorte de femme fatale... Est-il dans la réalité ou rêve-t-il ? Mais Fritz Lang abandonne cette piste pour un récit plus conventionnel...

L'intérêt du film réside dans les mensonges des personnages. Tout le monde ment à tout le monde : Christopher Cross fait croire à Kitty qu'il est un peintre renommé et ment à sa femme ; Kitty fait croire qu'elle est amoureuse de Christopher Cross... Ce mensonge ira jusqu'à la Justice, persuadée que Johnny est coupable du meurtre de Kitty. La fin du film ne punit pas le meurtrier. Fritz Lang réussit à convaincre le bureau de la censure (le code Heays) que la culpabilité qui va ronger le héros sera un châtiment plus terrible que n'importe quelle justice humaine. Christopher Cross n'échappe pas à sa propre conscience et reste hanté par les voix d'outre-tombe...

Sans être un film majeur de Fritz Lang, ce dernier parvient à réaliser une œuvre honorable, un peu surestimée certes, mais bien réalisée cependant. En supplément, une bonne analyse de Serge Chauvin, maître de conférences à Paris-X.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 18/07/2008 )
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