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Poésie de la misère
avec Akira Kurosawa, Yoshikata Zushi, Junzaburo San, Hisaschi Igawa
Wild Side Video 2006 /  24.99  € - 163.68 ffr.
Durée film 135 mn.
Classification : Tous publics

Sortie Cinéma, Pays : 1970, Japon
Sortie DVD : juin 2006

Version : 2 DVD-9 Zone 2
Format vidéo : PAL, 1.33
Format image : Couleurs, 4/3
Format audio : VO japonaise, Dolby Digital 2.0 mono
Sous-titres : Français

DVD 1 :
- Film
- Bande-annonce
- Liens Internet

DVD 2 : Bonus
- Kurosawa en couleurs (36 min.)
- Entretien avec sa fille Kazuko Kurosawa (39 min.)
- Entretien avec son fils Hisao Kurosawa (13 min.)
- Galerie de photos
- Filmographie Akira Kurosawa

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Pour bien des raisons, Dodes’kaden représente un tournant dans la très longue et prolifique carrière du maître japonais. Après l’abandon de deux projets (Runaway Train et Tora ! Tora ! Tora !) suite à des tensions avec des producteurs américains, Kurosawa crée en 1969 avec trois de ses confrères la société Yonki no kai («Les quatre Cavaliers»), destinée à le remettre en selle. Adaptant le recueil de nouvelles Quartier sans soleil de Shugoro Yamamoto, il se lance alors dans son premier tournage depuis celui de Barberousse en 1965, sans la participation du grand Toshiro Mifune qu’il a côtoyé pendant 17 ans, et en relevant pour la première fois le défi de la couleur. Jusque là, il gardait en effet la conviction que seul le noir et blanc donnait les meilleurs résultats artistiques, mais Henri Langlois, le célèbre directeur de la Cinémathèque française, l’a convaincu du contraire en lui montrant la scène de banquet en couleurs flamboyantes de Ivan le Terrible...

L’histoire se déroule dans un bidonville sinistre, dont les habitants survivent tant bien que mal. Pour échapper à ce quotidien misérable, le jeune Rokuchan imagine qu’il conduit un tramway et sillonne les rues en imitant le bruit des rails : «Dodes’ ka-den, dodes’ ka-den, dodes’ ka-den...». Il y croise des personnages plus décalés les uns que les autres : un médecin d’une sagesse hors du commun, un clochard et son fils qui rêvent de luxe, des couples passant leur temps à boire et se disputer, une jeune fille exploitée, un homme au regard d’outre-tombe... Dans cette ambiance un peu folle, l’individualisme règne et chacun tente de s’inventer une vie meilleure, mais reste prisonnier de son image et de sa condition réelles.

Avec un budget minimal, Kurosawa s’est pourtant lancé dans des innovations techniques. «Ce film était pour moi une sorte de travail sur la couleur, a-t-il expliqué. J’ai essayé toutes sortes de choses – même de peindre les ombres des décors sur le sol. J’étais consciemment devenu ici très expérimental.» D’une certaine façon, on peut établir un parallèle entre l’approche de Kurosawa et celle qu’avait adoptée Michelangelo Antonioni en 1964 dans Le Désert rouge, aussi différents que soient leurs univers : dans les deux cas, la couleur ne sert pas vraiment à montrer une réalité objective, elle souligne la condition et l’état d’esprit des personnages. Il en va ainsi des visions quasi-psychédéliques du clochard, des peintures enfantines de soleil, de lune et d’étoiles correspondant au regard de Rokuchan, des teintes jaunes et rouges criardes chez les ivrognes...

Cette approche tout sauf naturaliste exacerbe les traits de caractère des personnages, en même temps qu’elle crée une certaine poésie de la misère, tour à tour dramatique, ironique ou burlesque. Kurosawa questionne le pouvoir de l’imagination et ses possibles impasses : vaut-il mieux regarder en face une horrible vérité ou se réfugier dans de beaux mensonges ? Il semble que pour lui, la bonne réponse dépende des gens et des situations, mais que dans tous les cas, le désespoir n’en soit pas une. Le film apporte même un éclairage sur le réalisateur lui-même, qui a fini par avouer : «je répète ‘cinéma’ comme Rokuchan répète ‘dodeskaden’» ; toute sa vie n’aura été que création.

La belle expérience chromatique et poétique de Kurosawa a d’abord mené à un désastre commercial, à la séparation des «Quatre Cavaliers» et à une sérieuse dépression, le réalisateur tentant même de se suicider. Dans l’un des entretiens proposés en bonus, sa fille aînée Kazuko revient sur cet épisode pour le relativiser : elle considère ce geste comme une simple exagération de l’excentricité familiale des Kurosawa, de la part d’un artiste qui restait généralement tourné vers la vie et même plutôt enfantin... Ce qui lui a permis de sortir de cette mauvaise passe et de poursuivre sa carrière avec Dersou Ouzala, une production soviétique. Dans le reste de l’entretien, Kazuko se souvient de son éducation plutôt originale, du rôle de sa mère, une femme forte et moderne, et des années où elle s’est retrouvée à collaborer avec son père en tant que costumière. Dans un autre entretien, Hisao, fils de Kurosawa, se montre moins prolixe et plus critique, disant que dans sa jeunesse, «ce père était un fardeau». Il a pourtant fini par lui venir en aide à son tour, en prenant en charge la production de ses derniers films. Un troisième bonus également intéressant revient en détail sur l’épopée de ce premier film en couleurs. Globalement, voilà donc une belle édition renouvelée de Dodes’kaden, dotée d’une image et d’un son fort bien restaurés.


Ludovic Ligot
( Mis en ligne le 19/07/2006 )
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