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Jeanne au scanner
Colette Beaune   Jeanne d'Arc
Perrin - Tempus 2009 /  11 € - 72.05 ffr. / 540 pages
ISBN : 978-2-262-02912-8
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

Première publication en mars 2004 (Perrin).

L'auteur du compte rendu: agrégée d'Histoire, docteur de l'Université de Lille III en Histoire moderne, actuellement Chargée de Recherche (1ère classe) au C.N.R.S., Isabelle Brancourt est en poste au Centre d'Etude d'Histoire Juridique (Archives nationales). Ses recherches concernent l'histoire de la justice du Parlement de Paris et de la procédure sous l'Ancien Régime.

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Près de vingt ans après Naissance de la Nation France, Colette Beaune revient sur l’une des héroïnes les plus exaltées et les plus durablement honorées de notre nation. La tonalité propre de ses honneurs ayant été, de son temps comme du nôtre, celle d’un éternel procès, l’auteur tente peut-être, par son expertise méticuleuse des faits, gestes et paroles concernant Jeanne, de mettre un terme aux polémiques.

Ce Jeanne d’Arc n’est pas une biographie. Ceux ou celles qui rechercheraient le récit renouvelé de l’incroyable destin de la Pucelle d’Orléans, la grande histoire de la «petite histoire», celle, événementielle, des héros et des batailles, en seront déroutés. C. Beaune pose dès la première page les objectifs de son travail : renvoyer à d’autres auteurs, particulièrement à l’incontournable Régine Pernoud, pour la saga et les faits, se concentrer sur la personne de Jeanne et en reconstituer, comme au scanner, les images qu’elle pouvait imprimer dans le regard de ses contemporains.

Le livre se présente en seize chapitres, avec introduction, conclusion et, intercalés, trois «intermèdes» qui, rares moments purement événementiels du livre, rétablissent dans l’esprit du lecteur ses repères habituels. Les titres de la plupart des chapitres révèlent l’objectif déjà signalé : sept seulement, dont le premier posant naturellement la question préalable des sources sur lesquelles repose ce travail, portent la marque du cadre, des événements ou des personnes extérieurs à Jeanne – le village, l’Arbre aux fées, la guerre, le siège d’Orléans, Roi ou empereur, et l’année des merveilles – et encore cet «extérieur» n’est-il jamais étudié qu’à travers Jeanne et autour d’elle. Même la guerre a dans ce cas «visage de femme». Tous les autres titres sont l’expression d’une attention exclusivement prêtée à sa personne, comme ces Jeanne avant Jeanne, ou Jeanne après Jeanne qui encadrent les interrogations essentielles sur son origine, la «frontière», son degré d’instruction entre «lettrée ou illettrée», sa condition, «bergère», sur son nom, «la Pucelle», sur la partisane, «Putain d’Armagnac», sur sa religion, «l’hérétique» un peu «sorcière» comme la «Sainte». L’ensemble, dans ses moindres recoins, débusque une Jeanne introuvable à la surface des faits.

Colette Beaune tisse son ouvrage en passant et repassant, inlassablement, son fil au centre de son travail, sur cette fille de France, à la fois mystérieuse et ici autopsiée. L’auteur procède par analogie, par comparaison avec tout ce qui, de l’Antiquité au XVe siècle, pouvait constituer l’armature mentale et intellectuelle des contemporains de Jeanne. Aussi, comme ces derniers, C. Beaune a-t-elle multiplié les recherches et les allusions à la Bible, à la Sainte Ecriture, à l’œuvre doctrinale et théologique disponible alors aux savants, mais aussi à la littérature du temps lorsqu’elle éclairait les modèles à la lumière desquels Jeanne pouvait briller. Par exemple, partant de la supposée et pourtant fausse condition de «bergère» prêtée à Jeanne dans l’historiographie postérieure à son «histoire», l’auteur passe au crible les sources, relève le caractère messianique du «berger», à travers l’Ecriture ; le prénom de Jeanne renvoie à cet autre «berger», Jean-Baptiste, son patron, au martyre qui le frappe lui comme la «bergère» sainte Catherine, autre «voix» de Jeanne, et s’étend à l’Agneau de Dieu, victime pure et parfaite… Des pages incroyablement riches d’images, de textes et de paroles, se suivent et ne se ressemblent pas sur tout ce qui touche Jeanne, son étendard, son ou ses épée(s), son vêtement, ses voix, celles qu’elle entend, mais aussi la sienne. En spécialiste, C. Beaune rouvre à propos de Jeanne d’Arc tous les dossiers de la recherche historique : la vie au village, l’école, les humbles et les puissants, le roi, sa légitimité et son royaume, les rapports des hommes et des femmes, la place de la femme dans la société, dans la guerre, dans la littérature, dans l’Eglise, dans l’œuvre de Salut…

Ce travail est une œuvre scientifique qui ne connaît du grand public que son goût pour la clarté du style, l’agrément d’une édition simple et pratique, la forme légère et simplifiée des références scientifiques, qui demeurent pour l’essentiel, le choix particulièrement judicieux et attrayant du recueil photographique, mais qui concède au chercheur ses instruments favoris que sont les notes, bibliographiques parfois, et l’index. La structure de l’ouvrage reste celle d’une grande universitaire, qui, même pressée par des délais de publication draconiens, conserve les rythmes, les objectifs et les méthodes de ses séminaires de recherche.


Isabelle Brancourt
( Mis en ligne le 06/05/2009 )
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