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Cendrillon de Chine
avec Kenji Mizoguchi, Machiko Kyo, Masayuki Mori, So Yanamura
Films sans frontières 2005 /  27.75  € - 181.76 ffr.
Durée film 90 mn.
Classification : Tous publics

Ce coffret comprend également La Rue de la honte du même réalisateur

Sortie Cinéma, Pays : 1955, Japon
Titre original : Yokihi

Version : DVD 9 / Zone 2
Format vidéo : 4/3
Format image : couleurs
Format audio : Japonais (mono)
Sous-titres : Français

DVD 2 :
Film
Contexte historique (texte seulement)
Témoignage du scénariste (texte seulement)
Analyses critiques (texte seulement)

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En Chine, au 8ème siècle, la dynastie Tang connaît à la fois son apogée et son déclin avec l’empereur Huan Tsung, dont l’amour pour Yang Kwei Fei, qui n’a jamais cessé d’inspirer les poètes et les artistes, est la cause de la chute.

Kenji Mizoguchi raconte cette histoire mythique à la suite d’un long plan séquence d’ouverture, qui nous montre un homme vieilli et dépossédé du pouvoir, s’adressant en lui-même à la statue de Yang Kwei Fei, pour invoquer le passé. Et le spectateur l’accompagne dans les méandres de la mémoire, au temps où il était déjà inconsolable, mais de la disparition de sa première épouse.

Une tenture nous cache la scène alors que l’on entend déjà une mélodie mélancolique. Très lentement, la caméra se déplace derrière un voile, celui d’une étoffe ou de la mémoire, au travers duquel l’on distingue maintenant l’empereur jouant avec ses musiciens. On comprend très vite que c’est un homme sensible, rongé par le deuil, plus adapté aux sentiments de l’amour qu’à ceux du pouvoir. Il ne s’intéresse guère d’ailleurs à la politique que mène son Premier ministre, pas plus qu’à l’étiquette du pouvoir que veut préserver son chambellan. Seule la musique le touche et le passionne. Pour lui redonner goût à la vie, à la beauté du monde réel, et par ce biais, à l’Etat et à ses contingences, son entourage lui présente les femmes du royaume qui, par leur beauté, sauraient gagner son cœur, ou à tout le moins le distraire. Mais aucune ne semble être à la hauteur de sa défunte épouse. Jusqu’au moment où le général An Lu-Shan, un homme insensible, brutal et assoiffé de pouvoir, sorte d’antithèse de Huan Tsung, remarque une servante d’une grande beauté, une Cendrillon chinoise, qu’il présente à l’empereur.

Celui-ci est rapidement séduit par la jeune femme qui, contrairement aux autres, ne baisse pas le regard en signe de soumission. Bien au contraire, lorsqu’il lui demande de partir elle tient tête, évoquant la colère des hommes du palais qui l’ont menée à lui et entre les mains desquels elle n’est qu’un jouet. C’est ainsi qu’elle gagne son amitié, puis son amour, et devient l’impératrice Yang Kwei Fei. Elle lui redonne goût à la vie, au bonheur et à l’amour, mais pas à l’exercice du pouvoir : l’empereur continue à se détourner des affaires de l’Etat et des obligations de son rang. Et Mizoguchi de filmer les amants, déguisés, incognito, au milieu du peuple, dans une de ces scènes de foule et de gaieté populaire qu’il apprécie tant. Un groupe d’hommes invite Huan Tsung à trinquer avec eux et à danser au nom de l’amour. L’empereur s’empare alors d’un luth et se met à jouer une joyeuse mélodie sur laquelle Yang danse pour lui. «Je ne me suis jamais senti aussi libre», lui avait-il dit un peu plus tôt alors qu’insouciant il se mêlait à la foule en liesse. Mais on sent déjà, dans le tournoiement des pas de danse, encerclé par la foule, que cette liberté sera de bien courte durée.

La révolte gronde déjà, contre la famille Yang, qui est accusée d’avoir été favorisée par l’entremise de l’impératrice, et contre l’empereur lui-même, qui n’a aucune prise sur la politique. Le général An Lu-Shan, qui estime n’avoir jamais été remercié à sa juste valeur, en profite pour fomenter un renversement du pouvoir. Très rapidement, en un glissement à peine perceptible, la narration délaisse les topoï de l’amour, pour ceux du drame politique et de la tragédie, où la mort, inéluctable, frappe. L’empereur n’aurait-il donc d’autre choix que de livrer Yang Kwei Fei pour apaiser son peuple ? L’impératrice déchue accepte silencieusement son destin. Mizoguchi a choisi de montrer cette fin exemplaire en un seul plan, long mais épuré, où l’on voit Yang Kwei Fei se démunir des marques vestimentaires du pouvoir, une coiffe, puis des chaussons et des bijoux qu’elle laisse à ses pieds, sa veste brodée de pourpre, enfin, qui glisse lentement à terre alors qu’elle-même disparaît du cadre.

Mais ce sacrifice est vain : l’empereur ne regagne pas la confiance de son peuple, pas plus qu’il ne reprend la main sur le pouvoir. Comme souvent chez Mizoguchi, il n’y a pas de transcendance et si la femme expie les fautes des hommes, cela ne les sauve pas, néanmoins, de leur inéluctable déchéance. L’histoire de Yang Kwei Fei nous a été contée, on revient à la scène d’ouverture qui nous montre, en un dernier plan séquence, identique au premier, l’empereur vieilli et déchu, dépossédé de ses biens, s’incliner devant la statue de celle qu’il a tant aimée. Il tombe à terre, sans vie, mais on entend sa voix se joindre à celle de Yang Kwei Fei, la défunte qu’il pleure depuis si longtemps. Et la caméra ouvre le champ sur une allée du jardin recouverte de feuilles d’automne. Mais cette réalité, sombre et froide, n’existe plus pour les amants réunis dont on entend le rire et les voix enjouées.

Si l’on dit souvent que L’Impératrice Yang Kwei Fei est une réalisation marginale dans l’œuvre de Mizoguchi, parce qu’il s’agit d’un film en couleur bien sûr, mais aussi parce que c’est une superproduction sino-japonaise à ambition internationale, il n’en demeure pas moins que l’on y retrouve des thèmes que le réalisateur n’a cessé d’aborder : les écarts sociaux, la soumission de la femme jusqu’au sacrifice, l’enfermement du réel… Et plus encore d’un point du vue artistique : ce film est en effet une sorte d’aboutissement esthétique. Chaque scène étant un tableau minutieusement agencé, où chaque détail, on le sent, a été pensé, comme si à chaque instant Mizoguchi avait eu le désir de créer de la beauté, pour elle-même et pas seulement au service de l’histoire.


Rachel Lauthelier-Mourier
( Mis en ligne le 18/04/2006 )
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