| Richard Ford En toute franchise L'Olivier 2015 / 21.50 € - 140.83 ffr. / 231 pages ISBN : 978-2-8236-0845-8 FORMAT : 14,2 cm × 20,5 cm
Josée Kamoun (Traducteur) Imprimer
Un roman, ou plutôt quatre nouvelles avec lesquelles Richard Ford poursuit sa description de la vie de Frank Bascombe, son héros. Frank, 68 ans, désormais à la retraite, coule des jours heureux (et un peu ennuyeux) avec Sally, dans leur maison dHaddam, petite ville du New Jersey, dans un quartier autrefois noir qui abrite désormais la classe moyenne blanche. Il y mène une vie calme, sy livre à des occupations de retraité, dont laccueil aux combattants revenus dIrak pour faire sa part caritative. LAmérique, elle, traverse des années de récession qui se traduisent par des politiques daustérité. Frank, le narrateur, porte sur sa vie, ses ambitions, son entourage, un regard lucide. Le quotidien lemporte sur le grandiose.
Dans cette vie calme sinvite l'inattendu : louragan Sandy qui détruit son ancienne maison, rêve de verre, les «pieds dans leau». Appelé pour des raisons mal élucidées par le nouveau propriétaire, Arnie, à qui il lavait vendue, Frank ne peut que constater les dégâts et laisser quelques souvenirs remonter à la surface
Rien nest acquis en ce monde.
Cest aussi la leçon en quelque sorte qui se dégage du second texte, ''Tout pourrait aller beaucoup plus mal'', dans lequel Frank accueille une visiteuse inconnue qui a vécu jadis dans sa maison, et lui en révèle lhistoire tragique. Dans ''La nouvelle norme'', Frank rend visite à sa première épouse, atteinte de la maladie de Parkinson, dans sa «maison de retraite high-tech», près dun golf et dun pavillon de lartisanat écologique ; Ann y a un «deux pièces feng shui» et «a même fait lacquisition dun soupirant (
) Buck évoque une grosse bûche de chauffage qui ne connaîtrait pas létincelle». Frank se demande pourquoi il apporte à Ann un oreiller orthopédique, alors quils ont divorcé depuis trente ans, et conclut : «Les relations humaines sont sans fin, a dit le poète». Dans ''La mort des autres'', la visite est faite cette fois à un vieil ami malade, quarante huit heures avant Noël.
Quatre rencontres donc, quatre variations sur la disparition, loubli, lamitié, lamour... Que reste-t-il au bout du compte, au terme dune vie, lorsque louragan Sandy est passé, détruisant tout ou presque, que les sentiments se sont usés ? Il reste lhumour sans doute, qui imprègne tout le roman, drôle comme la vie peut-être «drôle», avec toute lambigüité du terme.
Richard Ford met ainsi un terme (provisoire ?) aux aventures de Frank Bascombe entamées avec Un week end dans le Michigan, poursuivies avec Indépendance et LEtat des lieux. On peut lire de façon indépendante ce quatrième volume, mais le plaisir de lecture est sans doute plus intense lorsquon est familier de Frank Bascombe, de sa vie, de son entourage, de la course du temps
On a là le regard sans concessions ni regrets dun des plus grands écrivains américains contemporains, sur une vie entière qui sest écoulée sans grande originalité, une vie de citoyen lambda, héros de la classe moyenne, mais qui, sous la plume de Richard Ford, parvient à luniversel.
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 21/10/2015 ) Imprimer
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