Renaud Faget David Chanteranne Perrin 2005 / 40 € - 262 ffr. / 143 pages ISBN : 2-262-02354-9 FORMAT : 27,5cm x 30,0cm
L'auteur du compte rendu : Agrégé dhistoire et titulaire dun DESS détudes stratégiques (Paris XIII), Antoine Picardat est professeur en lycée et maître de conférences à lInstitut dEtudes Politiques de Paris. Ancien chargé de cours à lInstitut catholique de Paris, à luniversité de Marne la Vallée et ATER en histoire à lIEP de Lille, il a également été analyste de politique internationale au ministère de la Défense. Imprimer
Le bicentenaire de la bataille dAusterlitz a été loccasion de polémiques et de dérobades, que les médias ont largement relayées. Elles nont pourtant guère affecté lactivité éditoriale. Comme attendu en pareille circonstance, plusieurs livres sont parus sur le sujet. Parmi eux, ce quil est convenu dappeler un «beau livre» : cet Austerlitz de David Chanteranne et Renaud Faget.
Il n'est pas facile de sattaquer à un sujet aussi connu et étudié sous toutes ses coutures. Lapproche retenue est du type «grand public» amélioré. Elle est marquée par plusieurs choix caractéristiques. Tout dabord celui dune écriture simple et fluide. Ensuite, de sen tenir aux grandes lignes de la bataille et aux épisodes et anecdotes incontournables. Mais cela sans oublier pour autant dapporter des précisions simples et suffisantes sur le commandement, les formes du combat ou la vie dune armée en campagne. En somme, une lecture facile, qui permet au lecteur curieux denrichir rapidement ses connaissances.
Mais si Austerlitz est un ouvrage de vulgarisation, il nest pas pour autant simpliste. Les deux auteurs sont des spécialistes du Premier empire, et il leur faut au moins cela pour maîtriser leur sujet et le rendre accessible. Après un chapitre sur la campagne de 1805, de Boulogne à Vienne en passant par Ulm, et un autre sur la campagne de Moravie, qui nous entraîne jusquà Brünn et lentrée de lhiver, les trois-quarts du livre sont consacrés aux préparatifs et à la bataille elle-même. Les plans des deux camps sont parfaitement exposés et les fonctionnement des deux états-majors, expliqués. Parler de fonctionnement pour létat-major austro-russe peut dailleurs passer pour une antiphrase ! Ensuite, viennent les manuvres, les combats, la charge de la Garde impériale qui terrasse la Garde russe, la glace des étangs qui cède sous le poids des fuyards, la proclamation de la victoire, etc. Plusieurs cartes très bien faites permettent du suivre les péripéties des opérations et des combats.
Concernant liconographie, une soixantaine dillustrations agrémentent louvrage, pour la plupart des tableaux représentant tel ou tel épisode de la campagne ou de la bataille. Là encore, nous avons du solide, puisque le classique et lincontournable dominent. Il est toutefois dommage que ces reproductions ne soient pas expliquées. À lexception dun paragraphe en fin douvrage, qui étudie rapidement Austerlitz dans liconographie et lart, aucune des toiles retenues nest analysée. Les personnages, les scènes, les détails, sont passés sous silence. Voilà probablement un créneau qui gagnerait à être davantage exploité et qui participerait à sa manière du renouvellement de lhistoire militaire.
Les deux auteurs essayent de se montrer neutres et objectifs. Ils ne donnent pas dans lhagiographie napoléonienne et sont même assez critiques quant à la conformité du déroulement de la bataille avec les plans de lEmpereur et le récit quil en fit ensuite. Ils ne vont pas jusquà écrire que les choses ne se passèrent pas comme Napoléon lavait prévu, mais presque. Leur plume semble dailleurs souvent inspirée par le sévère et très républicain Austerlitz de Claude Manceron (1973), qui ne ménageait pas ses critiques à légard de Napoléon. Mais il semble que leur objectif soit différent. Ils veulent montrer que, quelles que soient les qualités du chef et de son plan, les événements lui échappent toujours en partie. Une bataille a sa vie propre, sa confusion et ses mystères. Les impeccables manuvres sont toujours des constructions a posteriori, une fois que le chef a acquis une vision complète de ce qui sest passé. Les auteurs montrent ainsi que les subordonnés, les commandants de corps, les divisionnaires, les brigadiers, les colonels et chefs de bataillon jouent un rôle essentiel dinterprétation, dexécution et de réaction. En cela, Austerlitz fut la victoire de Napoléon et de toute une armée, chacun au sommet de son art.
Antoine Picardat ( Mis en ligne le 12/01/2006 ) Imprimer |