Gérard Minart - 1800-1815 : l'élimination des royalistes et des républicains Privat - Bibliothèque historique 2003 / 23 € - 150.65 ffr. / 186 pages ISBN : 2-7089-5696-5 FORMAT : 16x24 cm
L'auteur du compte rendu: Natalie Petiteau, professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Poitiers, est historienne de la société du XIXe siècle et de la portée des années napoléoniennes. Elle a notamment publié Napoléon, de la mythologie à l'histoire (Seuil, 1999) et Lendemains d'Empire: les soldats de Napoléon dans la France du XIXe siècle (Boutique de l'histoire, 2003).
Elle est par ailleurs responsable éditorial du site http://www.calenda.org.
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Le sous-titre de cet ouvrage indique demblée que luvre entreprise est moins novatrice que ne le laisse espérer le titre même du livre. Car par la juxtaposition de ces titre et sous-titre, Gérard Minart suggère que lopposition à Napoléon tenait tout entière dans les groupes clairement identifiés comme ceux de comploteurs royalistes et républicains.
Lauteur se propose dapporter ici sa contribution à la connaissance dun visage oublié, considère-t-il, de Napoléon : celui du politique, celui qui a dû veiller à la rédaction de constitutions, faire voter des lois, utiliser les médias et «saccommoder de lirruption dans la société dune opinion publique nerveuse et instable». Or, dans le domaine politique, «la nature profonde» de Napoléon sest révélée comme «dictatoriale et totalitaire», ce qui le mena à recourir aux lois de répression, aux juridictions sommaires, aux proscriptions, aux déportations et à la suppression de la liberté de presse. Puisque Gérard Minart se propose détudier Napoléon sous cet angle politique mais est-ce en ce cas une histoire de Napoléon ou une histoire des années consulaires puis impériales quil faut mener ? -, il invite à séloigner de la légende pour observer les passions politiques.
Pour ce faire, il ne livre ici quun travail de seconde main, mené avec grande hâte, en se fondant sur une bibliographie abusivement partielle, et même partiale.
La première partie «Une république en trompe-lil» - revient dabord sur le coup dEtat en des pages ignorant totalement les recherches récentes qui ont beaucoup apporté pour la connaissance de la situation réelle de la France à la veille de Brumaire : passe encore que ce travail soit de seconde main, mais il na pas recours, hélas, aux ouvrages les mieux faits et les plus utiles. Gérard Minart, contrairement à ce quil annonçait, se fait ainsi à son tour colporteur de la légende, se permettant même, lorsquil sagit de dresser le portrait de Napoléon, de comparer sa mémoire à celle dun ordinateur. Et pourquoi, lorsquil sagit dachever ce portrait, sen remettre à Taine ? Cest en revanche avec raison qu'il rappelle que la France de 1799 recèle trois ferments de guerre civile : la politique - en raison des dénonciations qui ont souvent eu lieu sous la Révolution, la haine sest développée entre bien des familles -, la propriété chaque village de France compte des acquéreurs de biens nationaux et la religion en nombre déglises se sont affrontés prêtres réfractaires et prêtres assermentés. Mais on ne le suit plus lorsquil invoque «les nécessités de lhistoire» pour affirmer que la seule solution politique pour sortir de la situation de 1799 était de refaire lunité française autour dun homme. Après avoir insisté sur les premières mesures du Consulat, constitutives dune politique de réconciliation, lauteur rappelle le rôle des Chambres et observe avec Taine le démembrement du pouvoir législatif. On sétonne ensuite de lire une brutale affirmation selon laquelle «le peuple est ardemment favorable à Bonaparte et à sa politique dordre». Partant dun tel postulat, lauteur est totalement passé à côté de son sujet ! Lopposition tient dabord, pour lui, dans lattitude des Idéologues, ces républicains modérés siégeant au Tribunat, en tête desquels se trouvent Antoine Destutt de Tracy, Georges Cabanis, Pierre Daunou, Constantin Volney ou Marie-Joseph Chénier. En marge du groupe des Idéologues figure Benjamin Constant, qui sattire particulièrement les foudres du premier consul quand il ose laccuser de vouloir imposer «servitude et silence» aux représentants du peuple : ses discours lui permettent déjà desquisser ce qui sera lossature du libéralisme français. Viennent ensuite des pages sur la réduction du nombre des journaux puis sur le contrôle des théâtres, mais tout cela est déjà tellement bien connu que lon se demande où est lintérêt de le rééditer.
La deuxième partie «Vers le pouvoir personnel» - commence par un rapide historique de la chouannerie, confondue avec les guerres de Vendée, puis conduit à un classique récit de lattentat de la rue Saint-Nicaise. Les proscriptions qui sen suivent, par erreur, contre les Jacobins, durcissent lopposition des Idéologues, à propos notamment de la loi portant création des tribunaux spéciaux, loi qui menace les libertés individuelles. Mais le fait que Bonaparte ait été victorieux à Marengo, le fait aussi que la chance lait fait échapper à cet attentat, le fait, enfin, quil parvienne à conclure la paix religieuse lui valent, selon Gérard Minart, une cote de popularité fort élevée. Parallèlement, lopposition parlementaire est éliminée à la faveur des nominations aux sièges à pourvoir ou des renouvellements : le Tribunat est ainsi épuré en janvier 1802, autre épisode fort bien connu de lhistoire du Consulat. De même, rien de nouveau nest ici apporté sur le célèbre «complots des pots de beurre» : à lheure de la création de la Légion dhonneur et de létablissement du Consulat à vie, des libelles rédigés par des militaires hostiles à cette évolution du régime dont Bernadotte - ont circulé entre province et Paris, dissimulés dans des jarres destinées au transport du beurre.
La troisième partie «Silence et servitude» - évoque tout dabord lopposition du général Moreau, auquel se joignent Pichegru et Cadoudal. Après lhistoire de son arrestation vient linévitable récit de lexécution du duc dEnghien, sujet sur lequel lauteur puise ses renseignements chez Bernardine Melchior-Bonnet, petite-fille de Taine, tient-il à souligner, tandis quil ignore les travaux de Jean-Paul Bertaud. Cest ensuite Chateaubriand qui devient lun des principaux porte-parole de lopposition, même si Germaine de Staël, à létranger, joue elle aussi un rôle. En 1812, la conspiration du général Malet vient de nouveau manifester lopposition dune poignée de militaires qui tentent de mettre à profit léloignement de Napoléon dans la désastreuse campagne de Russie. Mais là encore rien qui nait déjà été explicité en de nombreux ouvrages.
En définitive, ce livre napporte rien de nouveau par rapport aux travaux dHenri Gaubert Conspirateurs au temps de Napoléon Ier, parus en 1962 et de Louis de Villefosse et Janine Bouissounouse Lopposition à Napoléon, parus en 1969, lesquels ne sont pas même cités dans la bibliographie mais uniquement dans les notes : il serait dommage de mettre en évidence les «sources» mêmes de ce livre... Celui-ci véhicule par ailleurs des clichés, auxquels il ajoute des erreurs non, Bonaparte nétait nullement «dépourvu déducation classique» !! (p.117) -. On nen sortira donc jamais de ces pages qui rendent lhistoire de lEmpire «pauvre de sa richesse», pour paraphraser Laurent Douzou au sujet de la Résistance.
Natalie Petiteau ( Mis en ligne le 13/02/2004 ) Imprimer
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